Deux ans après la signature de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba par onze Etats membres de la CIRGL et de la SADC, les Organisations membres du Groupe de travail pour le suivi de la mise en œuvre de cet instrument estiment que des efforts substantiels sont encore à faire. Elles constatent qu’au plan régional, certains pays, à l’exception de la Rd Congo, excellent dans une sorte de « passivité » face à l’obligation relative à la neutralisation des groupes armés et l’engagement de poursuivre les personnes soupçonnées de graves violations des droits de l’homme.
Le Groupe de travail demeure préoccupé par la « faible attention » qui tend à s’installer dans le chef de la MONUSCO qui n’arrive toujours pas à assumer le rôle lui dévolu, notamment celui de soutenir, de coordonner et d’évaluer l’application en RDC des engagements nationaux pris aux termes de l’Accord-cadre, particulièrement en ce qui concerne la neutralisation des groupes armés.
24 février 2013-24 février 2015 : cela fait deux ans jour pour jour depuis que les pays membres de la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL) et ceux de la Communauté économique des pays de l’Afrique australe signaient l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région des Grands Lacs. Afin d’évaluer cet instrument deux ans après, les Organisations membres du Groupe de Travail pour le suivi de la mise en œuvre de l’Accord-cadre et la Résolution 2098 (2013) du Conseil de Sécurité ont animé hier une conférence sur les « Perspectives de paix et règlement de la crise interne en République Démocratique du Congo à l’aune de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République Démocratique du Congo et la Région et la Résolution 2098 (2013) du Conseil de sécurité des Nations Unies ».
Le contexte d’adoption de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba
C’est ici que la parole a été donnée à Me Sylvain Lumu, Secrétaire exécutif de la Ligue des Electeurs (L.E) et membre du Groupe de Travail, qui a expliqué qu’à la suite des élections chaotiques de 2011, la crise congolaise s’est exacerbée du fait de la fracture manifeste qui a été consommée entre la majorité du peuple et les institutions qui en sont découlées d’une part et d’autre part, du fait de l’absence de l’autorité de l’Etat et de la déliquescence des services de défense et de sécurité.
En effet, à deux reprises, le Chef de l’Etat Joseph Kabila a promis la tenue des échanges entre Congolais en vue de rechercher la cohésion nationale. Il l’avait fait d’abord dans son discours lu devant le Congrès en 2012 et ensuite dans son discours solennel à la Nation. Mais cet aveu de la nécessité d’un dialogue ou des concertations entre les composantes sociales et politiques de la RDC était en réalité une réponse à des appels au dialogue lancés bien avant, par certains membres de l’opposition congolaise.
A la crise politique s’était ajouté un conflit armé qui avait encore une fois endeuillé la Nation congolaise qui n’avait pas encore pansé la plaie causée par le massacre de plus de six millions de ses membres. Face à cette situation, la communauté internationale, consciente des dimensions multiformes de la crise congolaise, avait résolu de proposer aux parties impliquées dans les conflits en Rdc, les bases d’un règlement durable.
C’est dans cette logique que les Etats membres de la Région des Grands Lacs avaient conclu le 24 février 2013 à Addis-Abeba, un accord-cadre en vue du règlement de la crise dans la région et en RDC en particulier. Cet accord a le mérite d’imposer à la RDC des engagements à exécuter en vue de résoudre la crise au niveau interne et des obligations relatives à ses rapports avec ses voisins autant qu’il a suscité une vive controverse au sein de la classe politique au motif qu’il aurait porté atteinte à la souveraineté de la RDC.
Il n’y a pas de développement sans la paix, dit-on. Depuis le début du conflit armé en RDC, plusieurs initiatives ont abouti à de multiples accords de paix dans ce pays et dans la région des Grands Lacs. C’est notamment le cas du Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement de la région des Grands Lacs qui a été signé à Nairobi le 15 décembre 2006 par les 11 Etats membres de la Conférence Internationale sur la région des Grands Lacs.
Les recommandations des Organisations
Dans un communiqué de presse rendu public à cet effet, les Organisations membres du Groupe de Travail pour le suivi de la mise en œuvre de l’Accord-cadre et la Résolution 2098 (2013) du Conseil de Sécurité s’interrogent sur l’avenir du processus de paix en République démocratique du Congo, et partant de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération en RDC et dans la région.
En effet, plus de huit ans après la signature à Nairobi (le 15 décembre 2006) du Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement de la région des Grands Lacs par les onze Etats membres de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs et deux ans après la signature de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba par les mêmes Etats, ces organisations estiment que des efforts substantiels sont encore à faire. Elles craignent que si l’on n’y prend garde, l’Accord-cadre pourtant nécessaire, ne vienne allonger la liste « des accords de paix » en RDC qui ont échoué les uns après les autres. Car à plus de deux ans de sa mise en œuvre, les parties prenantes et leurs partenaires peinent encore à s’affranchir de la « liturgie de la parole ».
Concernant le processus de réforme du secteur de sécurité, le Groupe de travail note quelques légères avancées consécutives notamment à la nomination du personnel clé de nouvelles structures des FARDC. S’agissant du processus de la Décentralisation, les organisations membres du Groupe de Travail déplorent le fossé qu’il y a entre les textes, les décisions et les actes concrets à poser. Le transfert des compétences et la rétrocession de 40 % constituent toujours la pomme de discorde entre le pouvoir central et les provinces…
Au plan régional, les pays, à l’exception de la Rd Congo, excellent dans une sorte de « passivité » face à l’obligation relative à la neutralisation des groupes armés et l’engagement de poursuivre les personnes soupçonnées de graves violations des droits de l’homme. Le Groupe de travail demeure préoccupé par la « faible attention » qui tend à s’installer dans le chef de la MONUSCO qui n’arrive toujours pas à assumer le rôle lui dévolu, notamment celui de soutenir, de coordonner et d’évaluer l’application en RDC des engagements nationaux pris aux termes de l’Accord-cadre, particulièrement en ce qui concerne la neutralisation des groupes armés.
Le Groupe de Travail s’inquiète de l’absence d’engagement et d’un plan mis en place par les Envoyés Spéciaux en vue de conduire un processus politique global ouvert à toutes les parties prenantes pour remédier aux causes profondes du conflit en République Démocratique du Congo et dans la région des Grands Lacs tel que recommandé par les Résolutions 2098 (2013) et 2147 (2014) du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Il encourage, en outre, les visites officielles des pays signataires de l’Accord-cadre par les différents Envoyés spéciaux. Cependant, vu le caractère sélectif desdites visites qui sont plus focalisées sur la RD Congo, les Organisations membres du Groupe de Travail exhortent les envoyés spéciaux à les étendre aux autres pays signataires de l’Accord-cadre avec la même fréquence que celles effectuées en RDC.
Le Groupe de Travail recommande à la Communauté internationale de maintenir la pression sur les parties prenantes pour qu’elles s’acquittent effectivement de leurs obligations, de quitter le mode urgence en mettant en place un programme clair de consolidation des acquis pour la durabilité des actions menées en vue d’espérer à des résultats escomptés
La part de la Rd Congo
Concernant la Rd Congo, il sied de souligner qu’elle s’est dotée des critères de suivi, ainsi que les indicateurs de progrès et plan d’action relatifs à la mise en œuvre des engagements nationaux souscrits par la République démocratique du Congo aux termes de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba. Concrètement, il s’agit de se doter des armes, pour qu’au niveau du Gouvernement, qu’on s’assure que l’ensemble des six engagements vont être mis en œuvre. C’est-à-dire, qui, pendant quelle période et avec quels moyens ?
Concernant les Forces armées de la République, il a été convenu de poursuivre la réforme par l’adoption des cadres légaux intégrant la dimension genre. Comme critères : l’élaboration des projets, signature d’arrêtés d’application, élaboration d’une politique de défense pour la protection du territoire, de la population et des ressources naturelles, etc. Du côté de la police nationale congolaise, il est question de poursuivre la réforme de la police nationale congolaise pour une police civile, service publique, au service de la population. Comme critères : l’adoption de la loi de programmation dans le calendrier parlementaire, mise en œuvre de la politique de sécurité publique, la redevabilité, etc.
Quant aux services de renseignement, il faut une loi cadre, un dispositif pour le transfert des compétences des services des renseignements à la police. Du côté de la justice, le critère retenu n’est autre que le parachèvement de la réforme de la justice. Comme indicateurs : l’installation des trois instances devant remplacer l’actuelle Cour Suprême de Justice, installer un bureau de consultation gratuite, instaurer la cotation des magistrats, l’indépendance du pouvoir judiciaire, etc.
De même concernant l’instauration de l’autorité de l’Etat, le critère retenu n’est autre que le souhait d’avoir une administration répondant aux besoins de la population. Comme indicateurs : perception de la présence de l’Etat et de la crédibilisation des services publics ; l’instauration des instruments de gestion de la population et des mouvements migratoires. Au niveau de la décentralisation, il y a la poursuite de la réforme du cadre politique et réglementaire et l’application des outils et politiques de mise en œuvre de la décentralisation, comme critères. Il a aussi parlé de la réforme institutionnelle, etc.
L’Avenir