* L’ex-rébellion pro rwandaise M23 défaite.
* Les FDLR réduites à un état quasi résiduel.
* Les belligérants d’hier se parlent et parlent business.
Trois ans se sont écoulés depuis la signature de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la république démocratique du Congo et la région. Il y a mille et une manière d’apprécier le chemin parcouru depuis le 24 février 2013. Un bilan ? Avec ceci d’inconvénient qu’en le créditant de positif ou en le qualifiant de négatif, on court le risque de tomber dans un optimisme béat voire dans de l’angélisme désincarné et dans le second cas dans un nihilisme réducteur. Entre ces deux approches, il y de la place pour de la pédagogie, de la didactique. A savoir montrer à l’aide des faits concrets l’état des lieux il y a trois et la situation actuelle. C’est à cet exercice que s’est adonné François Muamba face à une brochette de journalistes. Comme cet homme décline à merveille l’axiome de Nicolas Boileau à savoir ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément, au terme de l’entretien à bâtons rompus des certitudes se dégagent. Et l’actualité faite de la conférence économique sur l’investissement privé dans les Grands lacs est là pour illustrer que des lignes ont bougé même s’il reste encore des défis à relever. Qui dit mieux !Sans prétendre faire un bilan exhaustif de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba trois ans après sa signature, François Muamba Tshishimbi a su montrer avec force détails que beaucoup de défis ont été relevés depuis lors. S’agissant par exemple du chemin sécuritaire parcouru par la RDC, le Coordonnateur du Mécanisme national de suivi de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba note notamment la liquidation du M23 et la réduction à l’état quasi résiduel des rebelles Hutu rwandais des FDLR. De 8000 ou 20 000 d’il y a trois ans, on en à 200. Pour le patron du MNS, il y a eu une évolution majeure. Et la preuve de ce redoux, fait-il remarquer, la récente Conférence à Kinshasa sur les investissements privés dans les pays des Grands Lacs où les presque belligérants d’hier en sont non seulement à se parler mais à parler aussi affaires. François Muamba répondait à des questions de la presse sur certains sujets que charrie l’Accord-cadre dont on célèbre le troisième anniversaire.
» Nous venons de loin « , affirme François Muamba. Il y a trois ans, peut-être un peu plus, a-t-il rappelé, la RDC, en tant que Nation et Etat, avait subi une sorte d’humiliation, avec notamment l’occupation de la ville de Goma par » une force négative dénommée M23 « . L’Etat était souillé. Il fallait réagir. Serein, le Président de la République, s’adressant aux Congolais, avait indiqué en ce temps-là que malgré tout, le pays s’en sortirait. La suite, on la connait. » Les opérations militaires, mais aussi l’action politique combinée à une action diplomatique volontariste, ont permis tour à tour de créer les conditions pour que ces bandits puissent dégager de la ville de Goma. »
Et puisqu’il fallait s’attaquer aux causes profondes qui avaient pu créer cette situation-là, explique François Muamba, il a été organisé des négociations à Kampala qui ont duré pratiquement un an. C’est au terme de ces pourparlers, renseigne Muamba, qu’il y a eu la signature sur le plan strictement diplomatique à Addis-Abeba, le 24 février 2013 de l’Accord-cadre pour la paix et la stabilité, non seulement en RDC, mais dans l’ensemble de la sous-région.
Et l’autre fait majeur, que note le Coordonnateur du MNS, conformément à la promesse du Président de la République, cette force négative du M23 a été dégagée de ses sanctuaires par les FARDC appuyées par les forces de la Monusco du point de vue de la logistique.
POUVOIR SE REGARDER SANS KALACHNIKOV
« De cette situation-là, comparée à ce qui vient de se passer à Kinshasa le 24 février, où on a vu le Premier ministre du Rwanda venir dans la capitale congolaise parler business, les autorités ougandaises en faire de même, c’est une évolution notable « , fait remarquer le patron du MNS.
» Ce forum, organisé par la RDC, est l’une des manières de pouvoir envoyer un signal fort à nos propres populations. C’est de montrer que l’Accord-cadre a pour vocation à générer des retombées à caractère économique et social. Ça n’a pas été le cas jusque-là. «
Muamba est convaincu que les projets qui ont un caractère intégrateur, qui intéressent au moins deux pays, feraient l’affaire. Par exemple le gaz, c’est la RDC et et le Rwanda, le pétrole c’est RDC et l’Ouganda. Le barrage d’Inga a non seulement vocation à fournir la région, mais l’ensemble du continent.
Pour le Coordonnateur du MNS, faire la promotion de ces choses-là permet aux anciens belligérants, aux Nations qui étaient en froid, par le biais des projets d’intérêts communs, de pouvoir se regarder sans kalachnikov, sans méfiance excessive au-delà de la compétition normale.
» Ce sont des choses qui participent de ce qu’on appelle le climat des affaires. Et lorsqu’il n’y a pas d’harmonisation effectivement ça peut-être un frein. La solution la plus rapide c’est de faire en sorte que ces ensembles puissent se coordonner, s’harmoniser avant d’imaginer ce qui est beaucoup plus difficile à faire. » La piste la plus porteuse selon Muamba, c’est comment on fait pour avoir des accords. Par exemple faire en sorte que du point de vue circulation des biens, des personnes, des capitaux, il puisse y avoir des accords entre les différentes structures.
PARLER CROISSANCE
Sans oublier les défis qui restent à relever, François Muamba explique que de ce qui avait été signé il y a trois ans, la manière dont les choses ont été mises en œuvre, » nous en sommes non seulement à nous parler et à parler des affaires « . Précisant que lorsqu’on signe l’Accord-cadre, ce n’est pas seulement pour parler de sécurité. C’est in fine répondre au challenge suivant. Notamment » comment faire en sorte qu’en RDC et dans l’ensemble des pays des Grands Lacs, on cesse de parler de viol, de l’exploitation illégale des ressources, des tueries, de la présence des forces négatives… et qu’on parle de la croissance, de développement, de l’éducation de nos jeunes, non seulement ils peuvent aller à l’école, mais lorsqu’ils en sortent avec un diplôme, ils puissent trouver du travail. » C’est ça le grand défi selon Muamba, expliquant que » ce qui vient de se passer à Kinshasa nous met sur une bonne voie… «
UN NOMBRE RESIDUEL
Le patron du MNS s’est longuement exprimé sur la question des FDLR. » Il y a quelques années lorsqu’on disait Fdlr on parlait de 8.000, 20.000… on parlait en termes des milliers d’hommes qui, en effet depuis maintenant un quart de siècle, avaient trouvé une sorte de sanctuaire sur le territoire congolais. » Aujourd’hui, affirme François Muamba sans faire insulte aux experts et aux positions des pays, le chiffre s’apprécie en centaine. « Nous sommes en dessous de 400, de 300. Nous parlons de 200 etc. Il y a encore des discussions sur la détermination de ce qui reste comme nombre résiduel de ces gens-là sur notre territoire », dit-il.
» Cette histoire des Fdlr était à la fois une réalité mais aussi un grand prétexte à partir duquel certains de nos voisins s’appuyaient pour procéder à des exploitations illicites des ressources naturelles sur ce flanc Est de la RDC. Nous avons aussi compris que s’il n’en restait qu’un seul, armé ou pas, même désarmé, il y aurait toujours ce prétexte à savoir il y a des génocidaires en RDC on va y aller, on va faire ceci et cela. Et donc la décision prise par le Gouvernement de la RDC c’est dire désarmés ou pas, ces gens là n’ont pas vocation à demeurer sur le territoire national « , explique Muamba.
Les camps qui ont été ouverts à Walungu, à Walikale, à Kisangani ne sont que des transits, assure le patron du MNS. Et le problème que l’Etat congolais a, confie François Muamba, » c’est que ce nombre résiduel des Fdlr ne veut pas rentrer au Rwanda. Ces gens-là posent des conditions à leur pays d’origine. On parle du dialogue, on parle de ceci ou de cela. Quelle est la position de la RDC ? Nous disons que ce soit légitime ou pas, ce débat rwando-rwandais nous n’avons pas nous RDC à prendre position « , insiste Muamba.
» Ce que nous voulons, de deux choses l’une, ou qu’ils rentrent chez eux. Et que celui qui ne veut pas rentrer chez lui doit pouvoir aller ailleurs quitte à polémiquer avec son pays à partir de cet ailleurs. » Malheureusement, déplore François Muamba, » la Communauté internationale ne nous aide pas beaucoup, puisque finalement il y a un programme DDR… sous l’égide Monusco. «
LA RDC A FAIT LE JOB
S’agissant des rebelles ougandais d’ADF, là aussi François Muamba assure que la RDC a fait le job. » Nous les avons défaits. Maintenant ils se sont éparpillés et ils nous imposent une guerre asymétrique qui est très compliquée. Dans notre région, on peut se rappeler, depuis combien de temps Africom est là. Il ne s’agit pas ici de compétence. C’est une question de complexité de la situation. » Le Coordonnateur du MNS souhaite là aussi que les autres puissent appuyer la RDC. Car, fait-il remarquer, » ces gens qui se comportent maintenant en terroristes, on ne sait pas comment cela peut se terminer parce que nos frontières ne sont pas infranchissables. «
Quant aux éléments ex-M23 réfugiés dans les pays voisins, François Muamba a été clair sur le sujet. « Premier point de repère, ces gens ont été dégagés par les armes. Deuxième point de repère, on a signé les Déclarations de Nairobi en décembre 2013. Troisième point de repère, le 18 mai de l’année dernière il y a eu un sommet des chefs de l’Etat à Luanda. Dans leur sagesse, ils ont pris trois décisions. La première sous forme d’un constat, la mise en œuvre par la RDC des Déclarations de Nairobi, c’est fait, on prend acte. C’est ce que nous avions dit. Deuxièmement, il reste un aspect pour que définitivement ce dossier soit classé parmi ceux exécutés. C’est le rapatriement… »
Le problème, estime Muamba, et cela a été constaté par le bureau de Saïd Djinnit, c’est qu’il y a un petit groupe d’anciens officiers des ex-M23 victimes des mandats d’arrêt y compris ceux émis par la RDC. Ils savent que quoi qu’il arrive, ils devront rendre compte à la justice. Alors ils prennent en otage la troupe comme une sorte de monnaie de change.
Pour François Muamba, ces gens qui font le blocage doivent subir des sanctions sévères. » Nous l’avons demandé au mois de septembre à New York, nous avons continué dernièrement lorsque nous étions à Addis-Abeba et même à Luanda avec le ministre des Affaires étrangères Raymond Tshibanda. On a été très clair là-dessus. Il faut que la Communauté internationale, une bonne fois pour toute, puisse décréter des sanctions sévères contre ces gens-là (ex-chefs de l’ex-M23) parce que c’est la seule façon de les séparer de la troupe. «
A la question de savoir pourquoi la pression est faite seulement sur la RDC et non sur les autres pays signataires de l’Accord-cadre. Ici le Coordonnateur du MNS demande à faire la part de choses et regarder la réalité en face. » Nous avons été identifiés par rapport à la région comme étant le problème. Le Président de la République, en prenant les engagements à Addis-Abeba, c’est nous qui allions devenir la solution. Regardez l’intitulé de l’Accord. Et ce n’est ni un hasard ni un détail. C’est l’ » Accord-cadre pour la paix, la sécurité, et la coopération pour RDC et la région ». François Muamba explique » dans cet intitulé il y a un seul pays qui est cité nommément. Tous les autres on dit la » région « . A nous RDC, non seulement de comprendre cela, mais de saisir cela comme une fenêtre d’opportunité à partir de laquelle nous allons redevenir la locomotive au niveau de cette sous-région. »
Muamba note par exemple qu’il n’y a pas de MNS au Rwanda, en Angola. Il n’y a qu’un seul pays qui a pris des engagements sur le plan national. » Ce qui corrobore ce que j’ai dit, nous avions été identifiés comme étant le problème. Les autres émargent à l’Accord-cadre à travers ce qu’on appelle » les engagements régionaux. » Nous n’avons pas à attendre que tel ou tel ait satisfait à ses engagements au niveau régional pour savoir ce que nous avons à faire chez nous. Ces engagements nationaux, si vous regardez leur nature, ce n’est pas pour faire plaisir à la Tanzanie, à l’Angola, c’est pour nous-mêmes… « , Insiste Muamba.
En dépit de tout, François Muamba est d’avis que la région des Grands est entrain de se relever petit-à-petit. Certes, la progression elle est lente. On n’a pas résolu au Congo tous les problèmes. » Nous avions été désignés comme le problème, mais aujourd’hui petit-à-petit nous sommes entrain de faire la démonstration que par l’armée, par la politique, par la diplomatie, par l’investissement, la RDC peut retrouver sa vocation de locomotive. »
Le Coordonnateur du MNS a profité de sa tribune pour faire un clin d’œil à ses camarades congolais. » En politiques, parlons-nous. Ne faisons pas la politique de la terre brulée. Nous avons des vrais problèmes. Il n’y a pas d’autres solutions que de se parler et que chacun puisse mesurer sa propre responsabilité… » Didier KEBONGO