Face à l’augmentation brusque du tarif des données sur l’internet mobile et fixe en RD Congo, le gouvernement congolais suspecte les opérateurs de télécommunication d’entente illicite. L’Autorité nationale de régulation a été priée fin mai d’ouvrir une enquête. Pas suffisant pour calmer les consommateurs.
Depuis le 17 mai, Airtel, Vodacom et Orange – pour ne citer que les principaux opérateurs de télécommunication en RD Congo – ont revu à la hausse leur tarif des données internet mobile (data) et fixe.
Au grand dam de leurs clients respectifs qui n’ont pas été informés en amont.
« Pas même un SMS, râle devant l’un des shops d’Orange, situé près du rond point de Kitambo magasin, Faustin Kamango, étudiant à l’Institut supérieur de commerce (ISC). Nous sommes pourtant tous les temps bombardés par des messages promotionnels de ces opérateurs. »
« Une étape supplémentaire dans la tarification »
Que s’est-il passé ?
Les portes se renferment systématiquement lorsque l’on tente de se renseigner auprès des opérateurs de télécoms pointés du doigt. « Aucune disposition légale n’a été violée : nous avons simplement franchi une étape supplémentaire dans la tarification », nous confie un patron sur place sous couvert de l’anonymat. « Au départ, nos offres étaient destinées à attirer la clientèle. Il est temps à présent pour nous de les rendre rentables », ajoute-t-il.
Jusqu’à +500 %
Suivant les forfaits mobiles ou modem, la hausse du prix se situe entre +35 % (pour l’utilisation des données internet mobile sur les réseaux sociaux) et +500 % (pour l’internet fixe).
À titre illustratif, il faut débourser désormais 500 dollars pour avoir 50 gigaoctets de données, quand un cinquième de cette somme suffisait pour obtenir la même quantité de données il y a quelques semaines.
« C’est scandaleux ! », s’emporte Patient Ligodi. Ce jeune entrepreneur kinois, à la tête d’Univers FM et du site d’info politico.cd, considère que c’est un « frein » pour l’entrepreneuriat en RD Congo. « Avec 50 gigaoctets, j’envoyais à chacun de mes journalistes 300 megaoctets par jour. Ce qui n’est plus possible avec cette hausse : 100 dollars ne valent désormais que 5 gigaoctets », se désole-t-il.
L’accès à l’internet fixe est très peu développé en RDC. De fait, l’essentiel de la consommation d’internet (emails, vidéos, réseaux sociaux…) est réalisée à travers l’internet mobile, souvent partagé entre plusieurs utilisateurs.
Ouverture d’une enquête
Du côté du gouvernement congolais, l’on jure n’avoir pas non plus été informé de l’éventualité de cette « augmentation brusque » du tarif de la data.
« En tout cas, ça ne vient pas de chez nous. Il s’agit sans doute d’une pression de la concurrence », lâche une source gouvernementale.
Le ministère des Télécommunications dit avoir demandé depuis fin mai à l’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications (ARPT) d’ouvrir une enquête, soupçonnant les opérateurs économiques d’avoir pratique une « entente illicite ».
« S’ils sont libres dans la concurrence, la loi congolaise leur interdit néanmoins de s’entendre pour se payer les consommateurs », glisse un conseiller du ministre des Postes, Télécommunications, Nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Mais le député Patrick Muyaya ne semble pas convaincu par la posture adoptée par le gouvernement dans cette affaire. L’élu de Kinshasa a déposé le 27 mai une question écrite à l’Assemblée nationale.
« Les opérateurs se sont entendus pour hausser le prix en même temps et tirer profit ensemble. Le ministre qui émet normalement un avis avant le changement du tarif doit nous donner des bonnes raisons qui ont motivé cette augmentation vertigineuse du prix des données internet », explique-t-il, soulignant son soutien au rassemblement « Nuit debout de Kinshasa ». Un sit-in prévu le samedi 11 juin devant l’hôtel du gouvernement.
« C’est un mouvement qui vise le respect des consommateurs et le retour aux prix initiaux », justifie le député.
Mais à ceux qui considèrent qu’il s’agirait d’une décision des autorités pour restreindre l’expression des Congolais sur les réseaux sociaux en cette période politique tendue, l’élu affirme que « ce serait liberticide si les opérateurs ont décidé de hausser le prix de l’internet pour ne pas permettre aux utilisateurs de communiquer ».
Et de conclure : « Aucun gouvernement du monde n’a gagné à ce jour la bataille des réseaux. Je ne pense donc pas que les autorités congolaises soient derrière cette action dans le but d’étouffer une forme d’expression sur la toile. »
Jeune Afrique / MCN