DERNIERS HOMMAGES DE SEM LE GOUVERNEUR DE LA PROVINCE DU NORD-KIVU A MONSIEUR L’ABBE APOLLINAIRE MALUMALU
Excellence Monsieur le Ministre d’Etat, Représentant Personnel du Président de la République ;
Honorable Questeur, Représentante Personnelle du Président de l’Assemblée Nationale ;
Honorables Députés et Sénateurs ;
Monsieur le Directeur de Cabinet Adjoint du Chef de l’Etat ;
Leurs Excellences Messeigneurs l’Archevêque et Evêque ;
Honorable Président de l’Assemblée Provinciale du Nord-Kivu ;
Honorables Députés Provinciaux ;
Mesdames et Messieurs les Ministres Provinciaux du Nord-Kivu ;
Monsieur le Délégué du Gouverneur du Sud-Kivu ;
Messieurs les Délégués d’autres Provinces ;
Mesdames et Messieurs les Membres du Corps diplomatique ;
Eminents Professeurs, Chercheurs et Corps Scientifique ;
Membres de différentes Délégations ;
Révérends Prêtres, Pasteurs et Révérendes Sœurs ;
Mesdames et Messieurs les Membres de la FEC ;
Chers Membres de la famille de l’illustre disparu ;
Toute la notabilité diversifiée ;
Mesdames et Messieurs, Distingués invités ;
Que dire devant cette assemblée plongée dans un silence pesant que lui impose l’immobilité glaciale du sommeil éternel dans lequel est endormi un frère, un ami, un pasteur ! S’il y a une lueur de réconfort à laquelle nous nous agrippons, c’est la certitude que la RDC, au-delà de la douleur de cette séparation physique, honore un de ses plus dignes fils que notre terre ait produit.
Parents, amis, collègues, alliés du défunt, dignitaires de l’Etat, notables,… avec toutes nos condoléances exprimées, tout le monde se poserait la question de savoir pourquoi sommes-nous si nombreux sur cette esplanade ?
Je devine que vos réponses cibleront la vie du défunt. Certes, vous l’avez aimée et appréciée; mais au-delà, vous avez questionné son parcours dominé par plus d’un quart de siècle consacré à un dur labeur au service de sa patrie. Bref, une moitié de sa vie qui constitue une épreuve qu’aucun autre homme n’aurait pu réussir avec autant d’éclats, de titres, d’honneurs et de distinctions, la dernière en date étant l’élévation, à titre posthume, par Son Excellence Joseph KABILA KABANGE, au grade de Grand Officier de l’Ordre National « Héros Nationaux » KABILA-LUMUMBA.
Qui, comme celui que nous pleurons aujourd’hui pouvait faire autant et rendre de tels grands services avec sagesse déjà à la trentaine d’années ? Qui, comme celui qui va nous manquer tant, pouvait finir son aventure humaine avec autant de noblesse à son actif durant un demi-siècle de vie sur terre ?
Mesdames et Messieurs ;
Il est des moments passionnels de la vie tel la perte d’un être aussi cher que l’est celui qui a marqué l’histoire contemporaine de la RDC. Nous avons navigué à vue depuis plus de 40 ans sans réelles perspectives démocratiques pour notre pays. Le cours des événements a permis que naquis dans les encablures de Butembo un digne fils qui deviendra plus tard serviteur de Dieu. Celui là qui, de Butembo se fera identifier à partir de cette petite bourgade, pour dire que les grands hommes ne viennent nécessairement pas de la grande bourgeoisie. Il a fallu un dialogue entre congolais à Sun City en Afrique du Sud pour que cet homme aux capacités indescriptibles soit découvert dans le concert de l’intelligentsia congolaise.
Il a fallu un homme imperturbable, fidele, honnête, assidu, loyal, discret, courtois,… pour mériter la confiance de ses pairs afin de conduire les premières grandes élections dans un pays continent 4 fois plus grand que la France, 40 fois plus grand que le Rwanda et le Burundi réunis. Il a suffi qu’il existât cet homme pour finalement qu’on organise dans ce pays le scrutin le plus attendu du monde quand tout le monde ne donnait aucune chance de réussite à ce fils né modestement pour diriger une si compliquée machine électorale.
Cet homme a su infatigablement, aux côtés du Chef de l’Etat Joseph KABILA KABANGE, engager notre pays dans un courant démocratique pour lui imprimer un poids nouveau dans le concert des nations. Ce Prêtre qui l’était tant, jusqu’à paraître, à bien des yeux, comme extraordinaire, est entré dans l’Histoire de la RDC par la grande porte pour avoir osé, du fond de l’abîme, regarder les étoiles, en méritant la qualité d’un Premier architecte des premières élections libres et démocratiques. Il a brandi, contre toute attente, la torche de l’esprit d’un Congo démocratique dans les jours sombres de son histoire.
Parce que c’est de lui qu’il s’agit, il ne s’arrêtera pas à ces loyaux services rendus. Il va encore se distinguer en véritable colombe de paix dans un pays déchiré par des guerres interminables. Du CNDP au M23, cet homme a offert toute son intelligence, tous ses talents de négociateur, toutes ses qualités avec tant de privations de sommeil à Goma, à Kinshasa, à Kampala à Nairobi, à Kigali, à Addis-Abeba, à New-York. Des injures de tout genre, cet homme les a subis mais jamais il n’a abdiqué comme nombreux pouvaient rapidement le faire. Il est resté égal à lui même pendant les pires moments que nous avons traversés ensemble dans les grandes capitales, dans les grands salons politiques et diplomatiques à la recherche de la paix sous l’impulsion du Président de la République, Son Excellence Joseph KABILA KABANGE.
Nous avons été découragés mais la foi nourrie par les convictions qui étaient les nôtres nous a conduits avec cet homme à ne lésiner que sur les moyens intellectuels pour démontrer à la face du monde qu’il est possible de réussir grâce à une planification rigoureuse. Toutes ces valeurs retrouvées en cet homme, tout le monde les a découvertes pendant le programme AMANI, pendant le programme STAREC dont il était par la suite devenu le mobilisateur attitré des ressources.
Son courage et sa lucidité se sont exprimés également à l’heure la plus critique du drame Kivutien, lorsqu’il a su non seulement faciliter la Conférence de Goma saisir le vrai sens du développement de l’histoire, mais aussi avec réalisme et opiniâtreté qui lui étaient coutumiers, orienter et piloter le Programme AMANI en vue de matérialiser les actes d’engagement signés en janvier 2008. Par l’ampleur même de sa vision, ouverte sur les problèmes et les plus grands desseins, cet homme a fait découvrir à nombreux seigneurs de guerre que seule la paix permet à l’homme de donner sa véritable mesure.
C’est alors que le dévolu sera jeté encore une fois sur lui pour conduire de nouveau un autre moment sensationnel du processus électoral devant clôturé le cycle électoral qu’il a commencé avec brio. Il a lutté entre la vie et la mort pour devoir opérer un deuxième exploit pendant une période qui suscite autant de débats, de sensations et d’incertitudes. Malheureusement cet homme ne sera pas de ceux qui verront se clôturer le premier décennat du cycle électoral dont il est l’éminent facilitateur.
Il nous quitte en période où nous avons encore beaucoup plus besoin de vous en ce moment où la RDC est encore soumise aux épreuves les plus dures alors qu’il a été à maintes reprises le promoteur des grandes solutions, souvent diversement appréciées pour la mise en pratique desquelles il n’hésitait pas à affronter critiques et sacrifices. C’est la dernière leçon qu’il nous a apprise avec un sens très élevé du devoir, un sens de l’avenir selon la double passion d’un Prêtre et d’un Homme d’Etat. Ce sont ces souvenirs, ces qualités, ces prouesses qui m’amènent à m’associer à la famille biologique, à l’église et à la nation pour adresser à tous mes condoléances les plus émues.
Voilà pourquoi je m’adresse à cet homme dont je n’ai pas osé citer le nom au risque d’interrompre ma voix.
Monsieur l’Abbé et Grand Officier de l’Ordre National « Héros Nationaux » KABILA-LUMUMBA, je vais vous parler parce je suis convaincu que vous n’êtes qu’endormi. La nation congolaise et le monde vous regardent reposé inhabituellement entre quelques planches hermétiquement fermées. Le monde et la nation vous savent imperturbable, convaincant, lucide ; mais ce monde et cette nation ne comprennent pas pourquoi ce silence entre eux et vous.
Vous avez piloté l’un des processus électoraux le plus périlleux, ce qui vous a valu toutes les distinctions et tous les honneurs. La flamme de démocratie allumée par Son Excellence Joseph KABILA KABANGE et que vous avez vivifiée demeure à la fois un grand héritage et une boussole pour nous.
Vous serez bientôt porté en terre comme un roi par toutes ces personnalités de tout bord qui sont réunies au-delà des sympathies et des répulsions sur cette colline à la fois du savoir et de la foi chrétienne. Même dans votre mort, vous marquez l’histoire de notre pays. Ce faisant, vous nous lancez un message clair, sans ambiguïté : le pays a besoin de tous ses enfants.
Que vos mérites nous ont séduits, que nous les ayons suivi, nous avons en vous l’exemplaire le plus authentique des vertus intellectuelles les plus élevées. La République a su faire appel à votre nom et à votre notoriété dans des circonstances dont je m’assure qu’il vous souvient.
Mon très cher et respecté Abbé Apollinaire MALUMALU ;
Vous laissez chacun de nous, à la fois heureux et fier de vous avoir rencontré, mais triste et orphelin de vous savoir parti. Vous laissez surtout chacun de nous, seul face à sa conscience et face aux interrogations lancinantes et fondamentales qui ont hanté votre vie, surtout sur notre capacité de faire autant que vous tant que nous sommes encore sur cette terre.
Mais, Monsieur l’Abbé et Grand Officier de l’Ordre National, nous savons que nous ne croiserons plus vos yeux d’un bleu indéfinissable! Nous savons que nous n’écouterons plus votre voix calme, posée, déterminée et optimiste !
Mais, nous avons envie de nous écrier, comme cet écrivain français : « Mort, où est ta victoire ? »
Mort, où est ta victoire, quand on a eu une vie aussi pleine et aussi intense, sans jamais baisser les bras et sans jamais renoncer ?
Mort, où est ta victoire, quand on a toujours été aux avant-gardes de l’histoire, sans jamais manqué à son devoir ?
Mort, où est ta victoire, quand on a su magnifier les valeurs humaines et surtout citoyennes, républicaines jusqu’à l’extrême limite de leur cohérence, sans jamais défaillir à son honneur ?
Mort, où est ta victoire, quand on s’est toujours battu pour la paix et que l’on est toujours resté fidèle à soi-même ?
Mort, où est ta victoire, quand après avoir vécu des épreuves, on sait rester humble, mesuré et discret ?
Mort, où est ta victoire, quand malgré la mort, on continue à illuminer les esprits et à servir de modèle ?
Monsieur l’Abbé Apollinaire MALUMALU, il me revient maintenant d’adresser mes dernières paroles, celles de vous demander humblement de saluer, là où vous allez, dans un monde sans injure ni parjure, dans un monde sans trahison ni tromperie, dans un monde de pardon, d’amour et de vérité, tous ceux qui vous ont précédé dans la pensée philosophique, politique et disciplines voisines à celles-ci : Saluez pour nous PLATON, ARISTOTE ; Saluez pour nous SOCRATE et DESCARTES ; Saluez pour nous Emile DURKHEIM, Auguste COMTE et Maurice DUVERGER ; Saluez KARL MAX, HENGEL, HEGEL, Emmanuel KANT. Que nos salutations atteignent Aimé CESIRE, Joseph KIZERBO, Léopold CEDAR SENGHOR, KWAME NKRUMAH, Patrice Emery LUMUMBA et Laurent Désiré KABILA de qui vous avez tiré une inspiration. N’oubliez pas de saluer pour nous Jean PIAGET avec son épistémologie génétique.
Et plus proche de nous à Lubero-Beni-Butembo, n’oubliez pas de saluer vos ainés MULEMBERI, KAITENGA, KASESO, Enoch MUVINGI, Denis PALUKU. N’oubliez pas surtout vos amis et frères PALUKU LOLWAKO alias PALOS et MAHEMBE parce que vous êtes à côté de vos pères spirituels MUZIYIRWA, Charles MBOGHA et le très emblématique Monseigneur Emmanuel KATALIKO.
Finalement nous comprenons avec Ecclésiaste que « VANITAS VANITATUM et OMNIA VANITAS »
Que votre âme se repose en paix !
Honorable Julien PALUKU KAHONGYA