Les opérations en vue du désarmement forcé des FDLR, Forces démocratiques pour la libération du Rwanda, ont été lancées par Kinshasa, depuis le jeudi 29 janvier 2015. Les FARDC, Forces armées de la République démocratique du Congo ont du vent en poupe et avancent comme escompté. Mais, il y a à craindre l’éternel recommencement .
Lorsque tous ces rebelles hutu rwandais seront neutralisés, avec ou sans la Monusco, il se pourrait que le HCR ou le CICR les prennent en charge, sur le sol congolais. Ce qui conduirait à l’ultime balkanisation tant que les portes de Kigali leur seront fermées. D’où, la nécessité pour la Communauté internationale, qui les a amenés en Rdc en 1994, d’imposer le dialogue inter-rwandais tant revendiqué, sinon tous les efforts des FARDC pourraient se révéler vains.
Quel sera le sort des rebelles hutus rwandais des FDLR, ces indésirables de Kigali, après leur neutralisation par les Fardc ?
La communauté internationale se tait
A en croire maints observateurs, malgré les prouesses des Fardc sur le terrain, la communauté internationale devra taper du poing sur la table en vue d’un dialogue démocratique inter-rwandais. A moins que le lobbying rwandais aux Nations Unies fasse la loi, si cette communauté internationale était hier (en 1994) capable des les déporter en Rdc, elle devra être aussi capable de les ramener aujourd’hui au bercail, coûte que coûte.
En effet, aucune solution durable ne peut être envisagée tant qu’il n’y aura pas un dialogue entre les rebelles hutu et le pouvoir de Kigali.
Les FARDC sont en train de remplir leur part du contrat dans la lutte contre les groupes étrangers qui écument l’Est de la Rdc. La communauté internationale le voit et le sait. Cependant, aucun succès militaire ne pourra en définitive déboucher sur une solution durable de la question épineuse des FDLR, après deux décennies passées en Rdc.
D’autre part, toutes les guerres au monde finissent par le dialogue. Or, il n’est prévu que la guerre contre les FDLR se termine au moyen d’un dialogue politique. Ici, ce n’est pas entre FDLR et Kinshasa, mais plutôt face au régime de Paul Kagame. Il faut donc passer à l’étape politique ; la traque est une solution militaire, la guerre.
L’ultime balkanisation
Il y a anguille sous roche derrière l’attitude de la communauté internationale. Est-ce l’heure de la balkanisation tant décriée ? Un criminologue y va par un exemple-type. « A supposer que tous les 2.000 ou 3.000 combattants FDLR soient fait prisonniers, seraient-ils remis au CICR ou au HCR comme prisonniers de guerre ? C’est là le but du dialogue politique sans lequel la solution définitive est chimérique », ajoute-il. Le leadership politique des FDLR est favorable à un dialogue avec leur pays, le Rwanda. Ils ne cessent de l’exiger à tue-tête, même pendant les opérations militaires de traque des FARDC. Mais, Kigali ne veut rien entendre et accuse à son tour la communauté internationale de faire le jeu des FDLR !
Pourtant, à en croire une autre source, « le Rwanda a même entraîné la Communauté internationale dans sa cécité et a obtenu que celle-ci rejette tout dialogue avec les FDLR. Ce qui complique toute l’équation », renchérit-elle. Si ce dernier avait négocié avec les FDLR, il y a belle lurette que ceux-ci auraient quitté la Rdc. Mais, à l’indifférence de Kagame s’ajoute curieusement le silence (complice ?) de la Communauté internationale.
Tous les Hutu ne sont pas génocidaires
Après 20 ans passés en Rdc, rebelles et leurs dépendants comptés, tous les Hutu-FDLR ne sont pas du tout des génocidaires, faut-il le souligner. Il y a même parmi eux des enfants nés après 1994 en Rdc. Ces enfants qui ne connaissent rien du génocide de cette année-là. Et actuellement, commerce et agriculture sont devenus le métier, dans ce coin où des mariages interrégionaux sont contractés. Mais in globo, Kagame dit que ces Hutu nés en Rdc sont des génocidaires du fait de leur sang. L’infraction n’est donc plus individuelle au Rwanda, comme le veut le droit.
« Le problème s’appelle Kagame. Il faut que la Communauté internationale revienne à la raison et impose au Rwanda un dialogue avec le leadership des FDLR », a déclaré un analyste politique. De toute façon, cette communauté internationale est la grande responsable devant l’histoire. Elle ne doit nullement se dérober devant des responsabilités.
Deux poids deux mesures
Il n’y a qu’à la Rdc où l’on impose des dialogues politiques, même lorsque les FARDC sont en position de force sur le terrain militaire. Au Rwanda, rien du tout. Même pas avec son opposition politique en exil.
En 1998, le Rwanda et l’Ouganda ont occupé la Rdc par leurs armées et ont créé des rébellions sous leur botte, le RDC/Goma, le RCD/K-ML, le MLC, etc.
Au bout d’un processus des négociations entre belligérants imposé par la Communauté internationale, les parties ont signé un Accord de paix à Lusaka, en 1999.
Malgré cela, la guerre a continué pendant 5 ans et un autre processus des négociations en Afrique du Sud qui a débouché sur le partage du pouvoir entre les anciens rebelles et le pouvoir constitué de Kinshasa.
En 2008, le Rwanda crée encore une autre rébellion des Tutsi au Nord-Kivu sous la dénomination du CNDP. Après la guerre, il y a eu des négociations de Goma, de 2009 entre Kinshasa et ces anciens rebelles pro-rwandais qui ont accouché d’un Accord politique. Puis du CNDP au M23, mais c’est une affaire d’un cadavre qui refuse de se décomposer.
Ce que doit faire Kinshasa
Deux ans après la signature de l’accord-cadre entre le gouvernement congolais et les rebelles du M23, comment se porte l’Est de la République démocratique du Congo ? A regarder la carte des groupes armés publiée par l’ONG Oxfam, une bonne dizaine de « forces négatives » sème encore la terreur dans la zone.
Face à toutes ces réalités sur terrain, Kinshasa devra faire d’une pierre deux coups. En poursuivant sans faiblir le désarmement des FDLR avec les vaillantes FARDC, il est plus qu’urgent de donner la main à la Monusco d’une part, et d’activer la diplomatie au niveau de la plus haute sphère des décisions d’autre part. il n’est pas bon qu’après avoir versé tant de larmes et de sueur, les FARDC achèvent un jour leur devoir et continue à voir les indésirables expatriés occuper le territoire qui leur est étranger comme de paisibles poissons dans l’eau.
Emmanuel Badibanga
Edito : désarmer les Fdlr
Longtemps attendues et pour certains renvoyées aux calendes grecques, les opérations en vue du désarmement forcé des FDLR, Forces démocratiques pour la libération du Rwanda, ont été lancées par Kinshasa, depuis le jeudi 29 janvier 2015.
Une nouvelle qui a suscité moult réactions dans le bon sens. Déjà, le Conseil de sécurité de l’ONU, les USA, l’Ue, et j’en passe s’en félicitent, même si quelques habituels sceptiques s’en moquent éperdument sur des antennes.
Ce n’est pas non plus pour amuser la galerie que le commandant suprême des Forces armées de la R.d Congo les ait impulsées, un mois après l’expiration de l’ultimatum lancé à ces rebelles Hutu rwandais. Ce n’est pourtant pas pour un tour de propriétaire que le Général 4 étoiles Didier ETUMBA ait installé son QG au Nord-Kivu.
Il s’agit en réalité d’une épreuve de feu et de force. Après plus de 20 ans passés en territoire congolais, où coulent le lait et le miel ; tout cela à la faveur du génocide rwandais mêlé de complicité d’une communauté internationale qui ne dit pas son vrai nom.
C’est dans cette ambiance bon enfant que cette dernière obtiendra du Maréchal MOBUTU et de son Premier Ministre Léon KENGO l’accès au chapitre. Les indésirables de Kigali, après la mort de Juvénal HABYARIMANA, suivi de l’accession de Paul KAGAME à la magistrature suprême, se voient refusés le miracle du tronc d’arbre qui se mue en crocodile après plusieurs années passées sous les eaux.
D’ores et déjà la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo, Monusco ne viendra qu’appuyer les FARDC, certes pour laver le visage de cette communauté internationale, terni tant reconvertie, elle reconnait à sa propre honte les excès des FDLR sur les autochtones congolais, solidaires, bons élèves mais trop bons trop couillons.
Cependant, après plus de 2 décennies, confondus et indissociables de certains complices aussi bien congolais qu’étrangers, loin de toute guerre style conventionnel, désarmer les FDLR ne sera guère une mince affaire, doit-on le confesser. Et si jamais l’on y parvenait, l’heure de victoire, de pacification et des sanctions aura sonné dans ce coin du pays où les frontières naturelles sont brisées, des cartes d’électeurs délivrées à qui mieux mieux,… loin de nous de vouloir réveiller ici le débat de l’identification préalable des nationaux.
D’autre part, dans des montagnes et forêts devenues leurs tanières, sous un mode opératoire différents de celui des M23 de triste mémoire,… ces réalités compliquent davantage la donne. Et quand le dit la Monusco main sur cœur, à défaut d’être dans le réalisme, c’est serait alors un aveu de faiblesse, une cure d’opium à la faveur de ceux qui prédisent l’échec.
Mais quoi qu’il en soit, pris entre deux feux, ces rebelles des FDLR devraient réfléchir une seconde fois et en appeler à la sagesse avant que leur sort ne redevienne pire. Coûte que coûte, les populations seront préservées et le Kivu deviendra petit à petit un havre de paix.
(BM)