Adf-Nalu, Lra, Fdlr : Que faire face à ces terroristes des Grands-Lacs ?

Le fait de laisser la République Démocratique du Congo seule face à ce risque est une erreur fatale de la part de la communauté internationale. Le Territoire de Beni est déstabilisé du fait que l’on croit que la riposte devra être singularisée.

La sécurité planétaire est un tout indivisible et indissociable. Il y a peu, les grandes puissances considéraient l’Afrique Centrale comme un trou noir qui ne permettait pas aux grandes centrales du monde d’interconnecter la matrice du renseignement stratégique entre les différentes régions (Océan indien, Proche et Moyen-Orient, Pacifique, etc.).

Les efforts sont faits aujourd’hui depuis près de dix ans, lesquels ont permis une couverture plus ou moins maximale des renseignements et assuré l’interconnexion entre l’Afrique du nord et l’Afrique australe en passant par l’Afrique centrale.

C’est qui signifie qu’à ce jour les différents Etats de ces régions sont désormais dotés de capacités d’interconnexion de renseignements de qualité, de capacités d’échanges et de coopération entre eux et avec le reste du monde dans le cadre de la diplomatie classique et de celle secrète.

Cependant, on se rend compte, au niveau de ces deux vitrines, que la République Démocratique du Congo, située au cœur de l’Afrique et entourée de neuf pays voisins, tous développant des visées expansionnistes, économiques et hégémoniques, se trouve en fait dans une situation atypique, difficile à protéger et à contenir sur le plan géostratégique.

Les neuf pays voisins de la République Démocratique du Congo ainsi que les grandes puissances ayant tendance à faire d’elle une sorte de grand marché. La tendance est donc à la prédation, chacun venant et utilisant ainsi toute sorte d’artifices pour faire main basse sur les richesses.

La tendance est aussi et surtout à la mise en place d’un plan de déstabilisation du pays en vue de sa balkanisation à terme. Et, pour y parvenir, il faut à tout prix affaiblir le pouvoir et fragiliser les institutions du pays, à travers notamment des rebellions, des insurrections et aujourd’hui le terrorisme islamiste.

Ce qui se passe actuellement dans le Territoire de Beni répond sans plus ni moins à cette logique de déstabilisation et de balkanisation. Il est clair que si l’on n’y prend pas garde, la situation risquera de dégénérer dangereusement et ce, non seulement pour la République Démocratique du Congo mais aussi pour tous les autres pays de la région.

Plutôt que de considérer que le terrorisme qui sévit à Beni est une affaire qui ne concerne que la République Démocratique du Congo, les dirigeants africains et du monde feraient mieux de comprendre que ceci est une sorte de cancer qui commence là mais qui, le moment venu, c’est-à-dire à la phase de métastase, gagnera toute la région, avec toutes les conséquences que cela comporte.

Le fait de laisser la République Démocratique du Congo seule face à ce risque est une erreur fatale de la part de la communauté internationale. Le Territoire de Beni est déstabilisé du fait que l’on croit que la riposte devra être singularisée. Alors que l’on devrait normalement coaliser les forces et les moyens pour y faire face.

Dans aucune région du monde, la guerre contre le terrorisme est livrée par un seul pays. En Syrie où sévit l’Organisation d’Etat Islamique, il y a pratiquement une sorte de troisième guerre mondiale qui ne dit pas son nom et l’on y retrouve toutes les grandes puissances du monde, au nom de la paix et de la sécurité internationales. La situation de Beni ne doit pas être à la marge de ce qui se passe partout ailleurs dans le monde.

Le problème ici n’est pas tant que les massacres n’aient pas encore atteint le summum du drame, mais que l’on ne se soit pas jusqu’ici accordé sur la définition même du concept terrorisme, selon que l’on se trouve du côté congolais ou du côté des Occidentaux.

Le fait que les victimes des massacres de Beni soient exclusivement congolaises semble ne pas émouvoir grand monde en Occident. Mais, de toute évidence, si les ressortissants des pays occidentaux et leurs intérêts étaient pris pour cibles à Beni, il est clair que l’attitude de l’occident serait différente et qu’il réagirait très rapidement en prenant des mesures drastiques pour combattre les auteurs de ces actes barbares.

De ce qui précède, il est donc évident que si les pays occidentaux rechignent à ne pas considérer ce qui se passe dans le territoire de Beni comme du terrorisme, c’est tout simplement parce que ces tueries et ces massacres n’ont pas encore touché leurs ressortissants ainsi que leurs intérêts stratégiques dans ces zones-là. Le jour où cela arrivera, ce que nous ne souhaitons guère, il est certain qu’ils le qualifieront de terrorisme car ils en auront été victimes eux-mêmes.

Il y a donc nécessité pour les occidentaux et pour tous les pays de la région de s’unir en vue d’apporter leur soutien total à la République démocratique du Congo dans la guerre asymétrique qu’elle livre contre les terroristes qui sévissent aujourd’hui à Beni.

La solidarité internationale est donc plus que jamais requise pour la République Démocratique du Congo comme c’est le cas partout ailleurs où sévit le terrorisme. Le cas des Etats-Unis d’Amérique, de la France, de la Belgique, etc. répond à cette logique-là. Partout, dans ces pays, l’on a observé la manifestation de la solidarité internationale comme approche pour faire face au terrorisme. En Afrique, la Libye est actuellement devenue un carrefour d’actions de grandes puissances. Il en est de même du Mali où la France agit, aux côtés des Tchadiens, des Nigériens, etc.

Pour lutter contre le Boko Haram, le Président BOUARI du Nigéria était arrivé avec une grande ambition mais il serait très fortement fragilisé aujourd’hui si le Tchad, le Niger et le Cameroun n’étaient pas venus à sa rescousse. En effet, n’eût-été l’intervention de ces voisins, le Nigeria sombrerait ce jour dans le chaos.

Comme le terrorisme est une guerre asymétrique, une nouvelle forme de guerre qui frappe par surprise. Partout où sévit le terrorisme, nul n’est à l’abri de la surprise, tous sont surpris par son action. Même les grandes puissances sont surprises, en dépit de leur vigilance aiguisée. C’est ce qui s’est passé un certain 11 septembre 2001, lorsque les activistes d’Al Qaeda ont frappé le World Trade Center à New York. Il eut trois mille victimes en un seul jour. Effet de surprise garanti. Aucun système de sécurité américain n’a fonctionné pour empêcher la commission de ces actes barbares. Et depuis, les Etats-Unis d’Amérique ne connaissent point de répit. A Boston, un attentat a eu lieu lors d’un marathon, œuvre de deux frères d’origine tchétchène ; à Floride, des sanglantes tueries ont eu lieu dans une discothèque homosexuelle, etc.

En France, à Paris, dans la salle de spectacle du Bataclan, comme à Nice et ailleurs, chaque fois les forces de l’ordre ont été dépassées par l’effet de surprise. Et ce fut la même chose à l’aéroport de Bruxelles-Capitale, à Zaventem, en Belgique. Effet de surprise.

Au regard de ce qui précède, il importe de souligner qu’il ne s’agit pas ici de poser la question de la solidité ou non de notre système de défense et de sécurité car ce qui se passe dans le monde montre clairement qu’aucune armée ou aucun service de renseignement n’est à l’abri de la surprise. Mais que la chose la plus importante à rechercher et à obtenir est et reste la manifestation de la solidarité régionale et internationale, si l’on veut réellement se donner les moyens d’éradiquer ce phénomène qui dépasse les frontières, qui emploie les troupes d’origines diverses, et qui frappe par surprise.

Comme partout ailleurs dans le monde, la paix en République Démocratique du Congo dépend aussi de ses voisins. Ceux-ci devraient donc lui apporter soutien et aide pour lui permettre de venir à bout du terrorisme qui, très souvent, si pas toujours, utilise leurs territoires comme point de passage.
En effet, ADF/NALU, FDLR, LRA, etc. sont des forces rebelles et terroristes, à l’origine, constituées principalement de ressortissants des pays voisins mais qui agissent en République Démocratique du Congo.

Le fait est que les pays voisins sont en paix et que c’est la RDC qui constitue le théâtre de leurs actions barbares. Pourquoi ? Tout ceci parce que les armées des pays voisins respectifs ont choisi comme stratégie de masser leurs troupes le long des frontières communes pour empêcher ces barbares de retourner chez eux et d’y mener leur sale guerre. En massant les troupes les long des frontières communes, les armées des pays voisins essayent donc de contenir ces combattants à l’intérieur de la RDC.

C’est donc clair que le combat de la libération de Beni passe également par la coopération militaire et de renseignement avec les pays voisins. D’où la nécessité d’une bonne politique diplomatique pouvant garantir les relations de bon voisinage. En cela, les derniers contacts menés par le Chef de l’Etat congolais en direction de ses homologues des pays voisins sont à saluer et ces contacts devraient se poursuivre à tous les niveaux : armées, services de renseignements, etc. C’est de cette manière que l’on pourrait parvenir à une paix durable dans la région.

En effet, pour être efficace, les pays de la région et du monde devront coaliser leurs moyens humains, matériels, techniques, financiers et de renseignement pour, d’abord, localiser et positionner l’ennemi par rapport à la population, dans la mesure où celui-ci utiliserait la population comme bouclier humain, identifier le leadership politique ainsi que les membres des états-majors de commandement de ces groupes, les sources, réseaux et moyens d’approvisionnement (vivres, matériels et munitions de guerre, produits pharmaceutiques, carburant, etc.), et, ensuite, le frapper en vue de le neutraliser.

D’où la nécessité de faire un effort considérable dans la construction d’une intelligence stratégique qui implique une approche diplomatique, classique et secrète, militaire et de renseignement nécessaires entre, d’une part, les Etats de la région et, d’autre part, avec la communauté internationale. La mobilisation de la population en faveur de la collaboration avec les forces de défense et de sécurité est plus qu’indispensable.

La logique de la communauté internationale qui consiste à rechercher coûte que coûte les connections entre Al Qaeda, Groupe Etat Islamique et autres avec les ADF/NALU, les FDLR et les LRA, pour pouvoir considérer ces derniers comme étant groupes terroristes et ainsi participer à la solidarité internationale à leur encontre est une approche réductrice, dans la mesure où elle ne tient pas compte des capacités de nuisance et de destruction de ces groupes par rapport à la stabilité des Etats pris individuellement, à la stabilité de la région des Grands-Lacs et du point de vue de la sécurité planétaire.

S’agissant particulièrement des ADF/NALU, il importe de souligner qu’il s’agit là bel et bien d’un mouvement fondamentaliste de l’Islam radical. Qui dit mieux ? Que l’on ne nous dise pas que la République Démocratique du Congo gagnera cette guerre avec la MONUSCO car sa vocation et ses missions ne la prédisposent pas à une guerre asymétrique de type terroriste.

En Syrie, comme au Mali et au Nigeria, ce sont – comme nous l’avons souligné plus haut – les armées des Etats, fortes de leurs aptitudes et expériences, qui s’engagent dans la traque des terroristes et qui assurent la paix et la sécurité aux populations. En outre, il est par-dessus tout démontré que ce sont les intérêts économiques et stratégiques qui fondent l’intervention des différents pays dans la lutte contre le terrorisme. Il importe donc que la RDC mette un accent particulier sur l’aspect de l’intégration régionale en matière de développement économique.

En effet, les retards connus par la RDC sur le plan de développement, pour cause d’instabilité et de guerres récurrentes entretenues de l’extérieur et très souvent avec la complicité de quelques fils égarés font le lit des agents extérieurs qui planifient, de longue date, la balkanisation de la RDC.
En dépit de ces retards enregistrés notamment dans les domaines d’infrastructures routières, de réseaux de production d’énergie électrique, de création d’emplois de jeunes, d’exploitation des ressources naturelles, etc., la RDC continue de constituer un objet de convoitise pour aussi bien les pays de la région que ceux du monde entier qui veulent à tout prix en faire une sorte de marché commun.

Aujourd’hui, elle continue néanmoins de jouer pleinement son rôle de locomotive économique dans la région, malgré toutes ces difficultés, ce qui lui attire davantage tous ces malheurs. Il est vrai que la RDC vit une situation difficile aujourd’hui dans le Territoire de Beni. Mais, lorsqu’on s’attaque et on tue nos compatriotes dans le Territoire de Beni, personne n’a démontré que ceci est fait pour demander le respect du délai constitutionnel ou encore pour l’aménagement du fichier électoral. Les tueries de Beni ne devraient donc pas être exploitées par les uns et les autres comme étant un élément de propagande politicienne contre les institutions du pays.

Au moment où le pays fait face au danger de sa balkanisation, l’union nationale est requise. Face au terrorisme, il faut de l’engagement citoyen, il n’y a donc pas de place pour les combats d’égo ou de tergiversations de clivages, ou encore des  » journées villes mortes  » mais plutôt des appels de cœur du genre  » Je suis Beni « .

Aussi le peuple congolais devra-t-il prendre conscience que c’est l’existence même du pays qui est menacée. Le plan de la balkanisation est en marche. Il faudra donc faire très attention et rester lucide pour ne pas tomber dans le piège de l’ennemi qui veut nous diviser et parvenir ainsi à fragiliser les institutions pour lui permettre d’aboutir à la balkanisation. D’où la nécessité d’une unité nationale sans faille dans le pays.

A ce sujet, une occasion est d’ailleurs offerte à tous les congolais pour raffermir davantage l’élan de cohésion entre eux : le dialogue politique national inclusif. En effet, ce forum tombe à point nommé dans la mesure où non seulement il permettra d’assurer l’organisation d’élections apaisées dans le pays, mais aussi de régler désormais les grandes questions d’intérêt national autour d’une table.

Honorable Jean-Pierre DARUWEZI

Forum des As