Ce matin à Kinshasa: Ça passe ou ça casse

Les relations RDC- MONUSCO en discussion

  • Entre la Rd Congo et l’ONU ces derniers temps, c’est clairement ‘’Je t’aime, moi non plus’’. Et pour cause, le nième mandat que Martin Kobler veut obtenir, coûte que coûte, au moyen de ce qu’il qualifie de dialogue stratégique, pour perpétuer au pays sa structure dite MONUSCO, Mission des Nations Unies pour la stabilisation du Congo
  • Mais les choses ne seront pas si aisées. La Rd Congo ne jure plus que sur son départ à pas de géant, comptant sur l’appui de son amie la France qui du reste préside ce mois le Conseil de sécurité. La MONUSCO a prouvé ses limites, avec un bilan négatif de plus de 15 ans en Rdc, bien que ragaillardie de plus de 20.000 hommes ! D’où des discussions ce matin, entre autres sur la question du transfert des responsabilités de la MONUSCO et le rythme de réduction des troupes des Nations Unies en RDC
Pourquoi la Monusco ne veut-elle pas quitter la Rd Congo ? C’est la vraie question pour laquelle il convient de percer tous les secrets des dieux et les dessous des cartes, en cette période où Kinshasa a beaucoup d’autres priorités. Sinon, le miel du Congo semble hanter plus d’un de rester éternellement sur son sol.

 

Le trop plein onusien

L’ONU et le gouvernement de la Rd Congo vont mener, à partir de lundi 23 mars à Kinshasa des discussions pour tenter d’améliorer leurs relations sur fond de ‘’je t’aime moi non plus’’, mais dites tendues selon certains responsables onusiens. Ceux-ci en appellent rapidement à une coopération sous le signe de la confiance. Cela, dans le but d’instaurer un « dialogue stratégique », a déclaré Martin Kobler, chef de la Monusco (Mission de l’ONU en RDC), visiblement exaspéré mais sans aucun choix.

La goutte d’eau qui fait déborder le vase c’est le plus de levain dans la patte de la mission onusienne, en rapport avec des nominations, au sein des Forces armées de la RDC, de certains officiers supérieurs qui gênent. Au nom de quoi se disant évoluée sur la question la Monusco dit leur accorder une dérogation ? Dérogation balayée d’un revers de la main par le Gouvernement de la République à en croire son porte-parole, Lambert Mende. En quoi y a-t-il dérogation ? C’est la honte dans le ventre de la Monusco. La pilule est restée très amère face à cette effroyable ingérence. Depuis lors, Kinshasa en toute souveraineté, a pris la décision de traquer seule les FDLR, Forces démocratiques de libération du Rwanda, dans l’Est du pays sans l’apport de la Monusco. Traque qui s’avère très porteuse à en croire Martin Kobler.

Mais au-delà de question de ce désarmement forcé, Kinshasa et l’ONU s’opposent aussi sur l’avenir de la Monusco. A suivre ce qui s’est passé jeudi à New York, Raymond Tshibanda N’Tungamulongo ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a été clair. Kinshasa veut un départ rapide des Casques bleus. De son côté, fidèle à la tradition, le numéro 1 de la Monusco Martin Kobler insiste sur un retrait progressif, à pas de tortue. Bien d’analystes pensent d’ailleurs que la question ne fait pas partie de l’agenda de la mission onusienne ; du moins en cette période d’enjeux majeurs.

Des départs insignifiants

Des groupes de travail ont été constitués pour un ordre du jour très large, a expliqué M. Kobler, cité par Afp. « Toutes les questions seront sur la table: les réductions d’effectifs (de la Monusco), le départ de la Monusco après une certaine période, la question de la reprise des opérations, que faire des deux généraux, les droits de l’homme… », a-t-il énuméré d’une manière lapidaire.

Selon des diplomates, l’ONU envisage de réduire de 2.000 seulement les effectifs de la Monusco qui s’élèvent ce jour à près de 20.000 hommes. Mais, Kinshasa réclame le premier retrait de l’ordre de 6.000 Casques bleus. Telle est la défense de la souveraineté.

Un jeudi chaud à New York

La séance du jeudi au Conseil avait donné lieu à un vif échange entre MM. Kobler et Tshibanda. Ce dernier avait affirmé que « le moment est venu, pour la RDC, d’assumer pleinement ses responsabilités quant à sa sécurité », demandant au Conseil de « respecter cette aspiration légitime  » et souveraine.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies s’est réuni jeudi à New York, sur la situation de la RDC. Raymond Tshibanda a félicité le président « pour votre accession à la présidence du Conseil de sécurité pour ce mois de mars 2015, à vous dire combien nous sommes honoré de voir la France, un pays ami, diriger les délibérations du Conseil de ce jour ». Il a en outre exprimé au Conseil toute la gratitude du peuple et du Gouvernement de la République Démocratique du Congo pour les efforts déployés par les Nations Unies, afin de préserver la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays et pour lui garantir la paix et la stabilité. Il a, dans ce même chapitre, salué Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations Unies, pour le souci constant et jamais démenti dont il n’a eu de cesse de faire montre, ainsi que son implication personnelle d’œuvrer à la consolidation de la paix dans mon pays.

Retraçant l’historique des relations entre l’ONU et la Rdc, M. Tshibanda a noté que « Ces relations ont presque toujours été bonnes, souvent excellentes, sinon exemplaires », avant d’ajouter « qu’elles traversent actuellement une zone de turbulence » en raison de vouloir donner de leçon de gestion au Gouvernement congolais. Au ministre d’insister : « Notre souhait le plus ardent est que cette mauvaise passe soit la plus brève possible ».

Un argument-massue

Pour consolider ces acquis, Kinshasa est convaincu que l’ONU et le Gouvernement de la Rd Congo ont le devoir de continuer à travailler en équipe et, pour ce faire, à pérenniser l’esprit qui avait jusque-là caractérisé ce partenariat et qui en a été un facteur déterminant d’efficacité. Esprit de dialogue et de respect mutuel, conformément aux prescrits de la Charte, en ce compris le respect, en tout temps et en toute circonstance, de l’intangible et de la souveraineté de la Rd Congo.

Pour le gouvernement congolais, les points de friction actuelles dans les relations entre l’ONU et la RDC sont au nombre de quatre. Il s’agit de la revue stratégique et des conséquences logiques a en tirer, notamment en ce qui concerne le transfert des responsabilités de la MONUSCO et le rythme de réduction des troupes des Nations Unies en RDC; du désarment forcé des rebelles rwandais des FDLR ; de l’évolution de la présence des rebelles ougandais des ADF/NALU au Nord Est de la RDC; et des suites politiques de la fin de la rébellion du M23.

Pour ce qui est de la revue stratégique, c’est sous la forme d’une mission de maintien de la paix, puis de stabilisation, que l’organisation est présente au Congo, à la demande de Kinshasa, et ce depuis 1999. Elle y a déployé et y maintient environ 20 000 hommes de troupes dont trois mille de la Brigade Spéciale d’intervention spécifiquement chargés d’appuyer les FARDC dans l’éradication des forces négatives présentes dans la partie orientale du pays. Il y a lieu de rappeler aussi  que, dès le départ, il était convenu que cette contribution onusienne serait progressivement revue à la baisse, au fur et à mesure que les risques de sécurité diminueraient et que les Forces Armées de la RDC atteindraient un niveau de performance leur permettant d’assurer par elles-mêmes la sécurité du pays. Ce que, la Monusco semble oublier en voulant par tout le moyen s’accrocher au miel du Congo.

Retrait de la MONUSCO
Cependant, certaines parties importantes du pays sont encore aujourd’hui objets de préoccupations en matière de sécurité. Il y a notamment les poches. Comparés à l’ensemble du pays, les territoires à sécuriser représentent aujourd’hui moins de 5% de la superficie de la République. A l’arrivée de la MONUC presque la moitié du territoire national vivait dans l’insécurité et échappait au contrôle effectif des autorités nationales.

Aujourd’hui, il y a certes encore quelques poches d’insécurité entretenues par des terroristes ougandais dans et autour de la ville de Beni au Nord-Kivu et par des rebelles rwandais des FDLR à certains endroits bien localisés du Nord et du Sud Kivu. Partout ailleurs, sur le territoire national,  la paix et la sécurité règnent, y compris en Ituri et au Nord Katanga, d’ailleurs le découpage territorial l’atteste. Vu que les quelques troubles qui, sporadiquement, y sont causés à la quiétude des citoyens par l’activisme de quelques brebis égarés relèvent du maintien de l’ordre public et ont été soit maitrisés, soit en voie de l’être. Bien plus, dans la RDC d’aujourd’hui, il y a un État qui fonctionne, des institutions légitimes et efficaces, une armée en pleine reconstruction, l’instauration de la démocratie, …avec l’organisation des premières élections réellement libres et démocratiques de notre histoire en 2006, l’organisation des élections législatives et présidentielles à terme échu en 2011, la mise en œuvre effective de la décentralisation et l’organisation programmée des élections locales, municipales, urbaines, provinciales, sénatoriales, législatives et présidentielle en 2015 et 2016, en ce y compris la maitrise du cadre macro économique et la performance économique de la RDC, à en croire le premier vice président de FMI, M. Lipton.

Au vu de cette énumération non exhaustive, tout observateur objectif se doit de reconnaitre qu’un travail énorme a été réalisé.

Cela étant, Kinshasa estime que le moment est venu pour elle d’assumer pleinement ses responsabilités quant à sa sécurité et à celle de ses populations. Elle plaide donc pour que le Conseil fasse droit à cette aspiration légitime qui est consubstantielle de la notion-même de souveraineté nationale. Si cela ne fait pas plaisir à certains, c’est une question de souveraineté et de responsabilité.

(Emmanuel Badibanga)