Commémoration de 70 ans de l’ONU : l’Organisation toujours en quête de réformes

L’ONU célèbre son 70e anniversaire cet automne. swissinfo.ch fait le point sur les réformes accomplies pour améliorer la représentativité et l’efficacité de l’organisation interétatique.

« Chaque jour, l’ONU améliore les conditions d’existence de millions de personnes ; chaque jour, elle vaccine des enfants, distribue de l’aide alimentaire, offre un abri aux réfugiés, déploie des Casques bleus, protège l’environnement, œuvre au règlement pacifique des conflits et promeut la démocratie, l’égalité des sexes, les droits de l’homme et l’Etat de droit ».

C’est en ces termes que le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon a résumé les réalisations de la plus importante organisation internationale, fondée en 1945.

Le 24 octobre, la population locale est invitée à réfléchir aux accomplissements de l’ONU lors d’une journée portes ouvertes au Palais des Nations à Genève. Des milliers de personnes sont attendues. Un des points forts est l’inauguration d’une nouvelle œuvre dans le parc de l’Ariana à proximité. « The Rebirth/Renaissance » est composée de 193 grandes pierres – une pour chaque Etat membre – dans une configuration symbolisant un « nouveau départ » pour l’ONU.

« Après 70 ans, l’organisation doit changer, se réformer afin de mieux répondre aux réalités du monde d’aujourd’hui », a déclaré Michael Møller, secrétaire général de l’Office des Nations-Unies à Genève, qui abrite la plus grande concentration de personnel de l’ONU au monde.

Structures archaïques

Saluée comme le grand espoir pour l’avenir de l’humanité après la Seconde Guerre mondiale, l’ONU a du mal à s’adapter à l’évolution du monde. Son organe exécutif, le Conseil de sécurité, reflète encore le monde d’après-guerre dont les vainqueurs – Chine, France, Russie, Royaume-Uni et États-Unis – sont les seuls membres permanents et dotés d’un droit de veto. Ce qui, selon les critiques, conduit à la paralysie du Conseil de sécurité et à des défaillances dans le traitement de crises comme les guerres en Syrie et en Ukraine.

L’ancien Secrétaire général, Kofi Annan, a récemment déclaré que le Conseil de sécurité doit inclure de nouveaux membres permanents ou risquer de devenir de moins en moins pertinent sur la scène internationale. Pourtant, il y a bien peu de signes montrant que les membres permanents sont prêts à partager leur pouvoir.

Depuis son adhésion en 2002, la Suisse milite en faveur d’une réforme dudit conseil. Berne coordonne un groupe de 27 pays sous le sigle ACT (Accountability, Coherence, Transparency – fiabilité, cohérence, transparence). Sa dernière initiative, soutenue par 60 pays, exhorte les membres permanents du Conseil à renoncer au droit de veto quand il s’agit d’adopter des résolutions visant à prévenir ou mettre fin à des crimes de masse.

Alexander Fasel, l’ambassadeur suisse auprès de l’ONU à Genève, parle de petits progrès : « Il y a des améliorations dans les méthodes de travail du Conseil, notamment les sessions ouvertes et les Etats font des efforts pour être transparents. Quant à l’initiative sur le droit de veto, elle fait lentement son chemin. Même des Etats membres permanents comme la France sont derrière ».

Des exigences croissantes

Alors que son organe politique le plus puissant est toujours bloqué en 1945, l’ONU s’est fortement développée. Ses effectifs sont de 85 000 personnes pour une dépense annuelle d’environ 40 milliards de dollars (38,2 milliards CHF), un budget qui a quadruplé au cours des 20 dernières années. Dans le même temps, la collecte de fonds est un problème constant, entravée par une forte concurrence entre les agences de l’ONU.

L’ONU est aujourd’hui un vaste système avec 20 institutions spécialisées, chacune avec son propre budget. Pourtant, il n’y a aucune autorité centrale chargée de superviser l’ensemble.

« Je ne pense pas que l’ONU soit devenue trop grosse, mais plutôt trop fragmentée,estime Michael Møller. Ce qui la rend extrêmement difficile à gérer correctement, que ce soit pour le recrutement ou l’acquisition des biens et services. Chaque aspect pratique de la gestion d’une organisation de cette taille est entravée par les règles imposées à l’ONU par les Etats membres ».

2015 est une année cruciale pour le système des Nations-Unies, avec la définition d’une grande partie de sa mission pour les prochaines années. En mars, un nouveau cadre pour la réduction des risques de catastrophe a été adopté. En septembre, l’Assemblée générale des Nations-Unies a approuvé un nouveau programme de développement visant à mettre fin à la pauvreté et à la faim d’ici 2030. Et en décembre les Etats membres doivent conclure un nouvel accord à Paris pour lutter contre le changement climatique.

Un recrutement déficient

Ian Richards, président du Comité de coordination des syndicats internationaux du personnel et des associations (CCSA), qui représente 60 000 employés de l’ONU, n’est pas sûr que l’ONU soit convenablement préparée pour gérer tous ces nouveaux objectifs.

Selon lui, l’ONU souffre de problèmes chroniques : trop grande peur de l’échec, collaborateurs trop vieux (l’âge moyen à l’engagement est de 41 ans) et organisation trop bureaucratique. Il estime que l’Assemblée générale contrôle trop étroitement les projets et les budgets. De plus, les intérêts divergents des Etats compliquent le recrutement.

« Chaque fois que les agences réduisent leurs effectifs, elles coupent dans les postes inférieurs et quand elles engagent, c’est pour des postes élevés, comme les directeurs et leurs adjoints. Les Etats membres veulent placer leurs propres hauts-fonctionnaires. Et les agences disent avoir besoin de spécialistes à mi-carrière, non des débutants qu’elles doivent former », souligne le syndicaliste.

Pour fonctionner correctement, l’ONU se repose sur une armée de stagiaires et de consultants externes engagés avec des contrats à court terme. Cela peut représenter jusqu’à 40% du personnel dans certaines organisations, selon Ian Richards.

Les progrès accomplis

Il y a dix ans, lors d’un sommet qui a marqué le 60e anniversaire de l’ONU, les dirigeants mondiaux ont convenu d’un document édulcoré pour reformer l’ONU. Dans le même temps, un rapport d’un Groupe de haut niveau sur la réforme des Nations-Unies a critiqué l’ONU pour ne pas avoir apporté le soutien à ceux qu’elle était censée aider.

Leur rapport a recommandé de nombreux changements visant à promouvoir le travail d’équipe et l’efficacité dans le cadre d’un programme appelé Delivering as One. Et ce, avec un programme pilote lancé en 2007 dans 8 pays où le bureau de l’ONU chapeaute les agences, les programmes et le budget consacré à ce pays.

Selon l’ambassadeur Fasel, ce programme a conduit à des réformes considérables : «L’ONU est une organisation qui apprend. C’est un système qui sait comment faire le bilan, réfléchir à ses méthodes de travail et se corriger lui-même.»

Michael Møller a également estimé que des améliorations « énormes » ont été faites pour les opérations de terrain, en particulier dans les pays en développement. Mais les progrès ont varié selon la personne en charge. Des réformes plus larges sont encore nécessaires, a-t-il insisté.

« Au cours des 10 à 15 dernières années, notre compréhension de la complexité des problèmes auxquels nous sommes confrontés est devenue beaucoup plus sophistiquée. Mais les structures n’ont pas suivi. Si nous vivions dans un monde parfait, nous aurions déjà eu une restructuration sérieuse. Malheureusement, en ce moment, la volonté politique entre les Etats membres n’est pas là. Et bien sûr, cela coûtera de l’argent. Il est donc peu probable que cela se produise bientôt », a déclaré le Secrétaire général des Nations Unies à Genève.



Simon Bradley
Genève, 23/10/2015 (Swiss Info / MCN, via mediacongo.net)