*Dans sa requête, Delly Sessanga veut obtenir de la Cour Constitutionnelle qu’elle ordonne à la CENI, de procéder à la mise à jour du fichier électoral, en procédant à l’identification et à l’enrôlement des jeunes se retrouvant dans la tranche d’âge 18-20 ans à ce jour. Certaines figures couronnées de l’Opposition seraient, eux aussi, prêts à œuvre contre la réalisation du calendrier global tant qu’aucun consensus, ni compromis n’a été trouvé entre les parties prenantes, conformément à l’Accord-cadre mais surtout, à la résolution 2211 du Conseil de Sécurité de l’Onu.
En dépit du lancement par la CENI de l’opération de dépôt des candidatures aux élections provinciales hier, mercredi 15 avril 2015, le débat sur la révision du fichier électoral est loin d’être clos. Il ne fait, d’ailleurs, que commencer.
Des personnalités de l’Opposition exigent la réouverture des opérations d’enrôlement des électeurs pour prendre en compte les nouveaux majeurs, dont le nombre est évalué à environ 10 millions de personnes. La dernière Résolution du Conseil de Sécurité, qui renouvelle le mandat de la Monusco, recommande au Gouvernement, à l’Opposition et à tous les partenaires électoraux de trouver un compromis sur la constitution du fichier électoral, ainsi que le budget des élections. Dans la journée d’hier, mercredi 15 avril, l’Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU, Saïd Djinnit, est descendu au siège de la CENI pour vérifier l’application des recommandations contenues dans la Résolution du Conseil de Sécurité. Tout soutien technique et logistique de la Monusco à la CENI est conditionné par un avis de conformité du processus électoral aux règles de transparence et de crédibilité. Quel rapport va faire la Monusco à cette étape du processus électoral ?
La question reste posée. Seulement, le tout nouveau Porte-parole de la Monusco, Félix Prosper Bass, a été présenté à la presse. Le sortant Charles Antoine Bambara, qui tenait sa dernière conférence de presse au nom de la Monusco, a souligné que les législatives nationales et la présidentielle de 2016 sont la principale priorité de l’ONU en RDC.
Pendant ce temps, à l’Assemblée nationale, la plénière consacrée à la question orale avec débat adressée par le Député Christophe Lutundula au Vice-Premier Ministre et Ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab, vient d’être reportée sine die. L’auteur de la question orale veut obtenir des réponses claires et précises sur l’applicabilité du calendrier électoral et, surtout, l’installation de nouvelles provinces, ainsi que le découpage territorial.
Du travail dans les BRTC
En fin de soirée, la CENI a dressé le bilan de la première journée de l’opération de retrait des formulaires des provinciales. On a parlé d’une dizaine des partis ayant déjà procédé au retrait des formulaires. Pour ce qui concerne les candidatures des locales, l’opération débutera le 26 mai prochain. Voici que les politiciens partagés entre le boycott et la participation aux élections, en attendant, bien sûr, le verdict de la Cour Constitutionnelle.
La Pros.
REQUETE EN INCONSTITUTIONNALITE
(Violation de l’article 5 de la constitution)
A Monsieur le Président de la Cour constitutionnelle
A Kinshasa/Gombe
Tous ayant pour conseils Maîtres Eric YOMBO BUKASA et Elvis MAYO BIEME NGALISAME, respectivement avocats au Barreau de Kinshasa et dont les bureaux sont situés aux locaux 56-57, Galerie 5 à Sec, numéro 287, avenue de l’Equateur, Commune de la Gombe à Kinshasa ;
CONTRE :
– La Décision n°001/CENI/BUR/15 du 12 février 2015 portant publication du calendrier des élections provinciales, urbaines, municipales et locales 2015 et des élections présidentielle et législatives 2016 prise par le Bureau de la Commission Electorale Nationale Indépendante, CENI, en sigle, Institution d’appui à la démocratie, sise Boulevard du 30 juin, avenue Isiro, Commune de la Gombe à Kinshasa, République Démocratique du Congo ;
I. FAIT ET PROCEDURES
Attendu qu’en date du 12 février 2015, par décision n°001/CENI/BUR/15, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), a publié le calendrier électoral global des élections provinciales, urbaines, municipales et locales 2015 et des élections présidentielle et législatives 2016 ;
Qu’il ressort de ce calendrier que les jeunes se retrouvant actuellement dans la tranche d’âge 18-22 ans sont exclus du processus électoral 2015-2016 car rien n’est prévu pour leur identification et enrôlement ;
Attendu que de 25 696 964 électeurs en 2006, le nombre d’électeurs est passé à 32 024 640 en 2011 soit une hausse de 6,3 millions d’électeurs (24, 6%) ; la constance de cette progression amènerait la CENI à enrôler autour de 40 millions d’électeurs entre 2015-2016 ;
Que donc l’absence des opérations d’identification et d’enrôlement exclut près de 9 millions des jeunes ayant atteint l’âge de voter depuis 2011 et affecterait de manière substantielle l’expression des différents suffrages au mépris des dispositions impératives et absolues de la Constitution ;
Que cette violation des droits civils et politiques de ces jeunes pourrait être évité par une opération de mise à jour du fichier électoral préalable à l’organisation du scrutin 2015-2016 ;
Ne l’ayant pas pris en compte, la décision entreprise doit être frappée d’inconstitutionnalité pour les motifs qui seront évoqués dans les lignes qui suivent ;
II. DROIT
A. De la recevabilité de la requête
Attendu que l’article 48 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle indique que : « toute personne peut saisir la Cour pour inconstitutionnalité de tout acte visé à l’article 43 de la présente loi organique à l’exception des traités et accords internationaux » ;
Que l’article 43 dispose : « la Cour connaît de la constitutionnalité des traités et accords internationaux, des lois, des actes ayant force de loi, des édits, des règlements intérieurs des chambres parlementaires, du Congrès et des Institutions d’appui à la démocratie ainsi que des actes règlementaires des autorités administratives » ;
Qu’aux termes de l’article 211 de la Constitution, la CENI est une institution d’appui à la démocratie ;
Que la décision de la CENI n°001/CENI/BUR/15 du 12 février 2015 est un acte réglementaire pris par une institution d’appui à la démocratie, agissant comme autorité administrative du cycle électoral, en exécution de ses prérogatives légales et constitutionnelles ;
Qu’en tant que telle, la décision de la CENI relève du champ de compétence de la Cour constitutionnelle relativement au contrôle de sa constitutionnalité ;
Que le même texte recommande au requérant d’introduire son recours, sous peine d’irrecevabilité, dans les six mois suivant la publication de l’acte au Journal Officiel ou suivant la date de sa mise en application (article 50) ;
Qu’en l’espèce, la décision a été rendue le 12 février 2015 et mise en application à la date de sa signature ;
Qu’ayant rempli toutes ces conditions de recevabilité, la Cour dira recevable la présente requête ;
B. Du fondement de la requête
• Inconstitutionnalité de la décision pour violation de l’article 5 de la Constitution
Attendu qu’il est évident que cette décision de la CENI viole l’esprit et la lettre de la Constitution en son article 5 qui s’énonce comme suit :
« La souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l’exerce directement par voie de référendum ou d’élections et indirectement par ses représentants.
Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice.
La loi fixe les conditions d’organisation des élections et du référendum.
Le suffrage est universel, égal et secret. Il est direct ou indirect.
Sans préjudice des dispositions des articles 72, 102 et 106 de la présente Constitution, sont électeurs et éligibles, dans les conditions déterminées par la loi, tous les Congolais de deux sexes, âgés de dix-huit ans révolus et jouissant de leurs droits civils et politiques. » ;
Attendu qu’il convient de rappeler qu’en son article 211, la Constitution confie à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) la mission d’assurer la régularité du processus électoral et référendaire ;
Qu’en tant qu’Institution d’appui à la démocratie, la CENI est appelée à jouer le rôle principal dans l’organisation des élections libres, démocratiques et transparentes et dans la consolidation de l’Etat de droit en Rd Congo ;
Qu’il résulte des termes à la fois absolus et impératifs de l’article 5 de la Constitution qu’aucune décision ne peut être entreprise par une quelconque autorité, ayant pour effet d’écarter d’une élection les citoyens ayant qualité en droit d’exercer le droit de vote, au risque d’attribuer l’exercice de la souveraineté à une partie de la population en violation de l’esprit et de la lettre de la Constitution, aux mépris des moyens et du respect des objectifs que la Constitution a assignés à l’article 5 et que le législateur a aménagés dans les lois de la République ;
Attendu que la loi n°04/028 du 24 décembre 2004 portant identification et enrôlement des électeurs en Rd Congo expose les options adoptées pour garantir la collecte des données sur la population en âge de voter, éviter les occasions de fraude et parvenir à des élections libres, transparentes et démocratiques ;
Que l’article 38 de cette loi stipule qu’ « à tout moment et dans le délai, les listes électorales peuvent être mises à jour en vue de constituer le fichier électoral national dans les cas ci-après :
a. un citoyen à inscrire a atteint la majorité électorale ;
b. un citoyen a recouvré le droit électoral par la perte de la qualité et du statut qui avait empêché son enrôlement.
Que partant de cette disposition, la CENI n’est pas investie de pouvoir pour apprécier de l’opportunité de procéder à l’inscription des électeurs, et qu’elle devrait nécessairement et au préalable procéder à l’opération de révision des listes électorales afin d’inclure les requérants qui remplissent les conditions requises constitutionnellement pour être électeurs ou éligibles ;
Que l’article 58 de la même loi donne mission au Bureau de la CENI de régler par décision, toutes les autres questions relatives à l’identification et à l’enrôlement des électeurs non expressément reprises dans la loi ;
Qu’en cela la CENI a la latitude notamment de faire la mise à jour des listes électorales qui consiste en l’opération de révision des listes électorales ;
Attendu que le préambule de la Décision n°008/CEI/BUR/05 du 9 juin 2005 relative aux mesures d’application de la loi portant identification et enrôlement des électeurs en Rd Congo renseigne que les résultats du processus d’inscription des électeurs sont susceptibles d’influer sur les résultats des élections et que par ailleurs le système d’inscription des électeurs vise à accroitre la légitimité des résultats des élections ;
Que cela démontre la délicatesse des opérations pré électorales en vue de la garantie de transparence du processus électoral ;
Que cette décision dont le caractère inconstitutionnel a été démontré, n’est pas de nature à renforcer la crédibilité de la CENI au regard de la mise hors circuit électoral d’environ 9 millions de personnes ayant l’âge de voter depuis 2011 ;
Que décidant d’exclure les requérants du processus électoral en ne procédant pas à leur identification et enrôlement, la CENI viole l’article 5 de la Constitution et par conséquent plusieurs textes juridiques relatifs aux élections ;
Que la Cour constatera l’inconstitutionnalité de la décision entreprise ;
• Inconstitutionnalité de la Décision pour violation des droits civils et politiques
Attendu que l’article 5 de la Constitution désigne comme électeurs et éligibles, dans les conditions déterminées par la loi, tous les Congolais de deux sexes, âgés de 18 ans révolus et jouissant de leurs droits civils et politiques ;
Qu’en écartant ces jeunes de 18-22 ans de leur droit d’être électeurs ou éligibles, la CENI viole de matière systématique cette disposition constitutionnelle qui leur accorde ces droits civils et politiques ;
Attendu que la loi organique n°13/012 du 19 avril 2013 modifiant et complétant la loi organique n°10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la CENI renchérit qu’elle est une Institution d’appui à la démocratie (article 2) qui doit organiser et gérer les opérations pré-électorales, électorales et référendaires notamment l’identification et l’enrôlement des électeurs, … (article 9) ;
Que le Règlement intérieur de la CENI renforce que cette dernière a pour mission d’organiser, en toute indépendance, neutralité et impartialité, des scrutins libres, démocratiques et transparents. Elle en assure la régularité (article 6), organise et gère les opérations pré-électorales, électorales et référendaires notamment l’identification et l’enrôlement des électeurs (article 7) ;
Que donc, la décision entreprise devait prévoir des opérations pré-électorales afin de se conformer aussi à la loi électorale qui en son article 5 range parmi les conditions requises pour avoir la qualité d’électeur, celle d’être âgé de dix-huit ans révolus ;
Que l’article 7.4 de la loi électorale écarte du vote les personnes non inscrites sur les listes électorales le jour des élections ;
Que les requérants, ayant intérêt à des élections libres et transparentes, font valoir le préjudice de cette décision sur le caractère démocratique des élections conformément aux prescrits de la Constitution et au respect des droits fondamentaux des électeurs ;
Que de ce qui précède, la Cour constatera la violation de l’article 5 de la constitution par cette Décision ;
PAR CES MOTIFS
PLAISE A LA COUR
– De dire recevable et fondée la présente requête ;
– De constater et de déclarer inconstitutionnelle la Décision n°001/CENI/BUR/15 du 12 février 2015 portant publication du calendrier des élections provinciales, urbaines, municipales et locales 2015 et des élections présidentielle et législatives 2016 dans toutes ses dispositions ;
– D’empêcher, conformément à l’article 112 de loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, la mise en application de la Décision attaquée et de la rendre inapplicable ;
– D’ordonner à la CENI, de procéder à la mise à jour du fichier électoral en procédant à l’identification et à l’enrôlement des jeunes se retrouvant dans la tranche d’âge 18-20 ans à ce jour ;
– Frais comme de droit ;
Et ce sera justice