Edem Kodjo est de retour à Kinshasa après un séjour à Addis-Abeba, en Ethiopie. Le médiateur désigné du dialogue inter congolais est venu retrouver la classe politique, aussi divisée qu’il ne l’a laissée en s’en allant.
Le dialogue continue à patauger. En tout cas jusqu’ici. Mais il finira par se tenir, car de lui dépend l’avenir du pays. L’avenir immédiat du pays, c’est-à-dire ce que celui-ci attend, est bien le démarrage, la poursuite et la clôture du processus électoral. Il s’agira des élections générales. Au moins sept scrutins sont prévus. C’est dire à quel point la tâche est ardue et, donc, la préparation doit être sérieuse.
Cette préparation, c’est bien le balisage de la voie devant y mener. Or, on ne peut pas dire à ce jour qu’elle soit aplanie, cette voie, avec toutes les difficultés qu’il faudra surmonter, tous les préalables qu’il faut impérativement traiter. C’est le sens qu’il faut donner au dialogue que le Chef de l’Etat a convoqué.
Vu sous cet angle, il est incompréhensible que certains leaders rechignent toujours quant à leur participation. Mais c’est l’expression même de la démocratie, celle-ci étant aussi définie comme la liberté d’opérer un mauvais choix.
Le souci de voir tout le monde participer à cet important forum est d’élaguer tous les éventuels risques de contestation et de bouderie. Evidemment, on n’aura jamais des élections parfaites. Mais l’idéal est d’en organiser de bonnes, pourquoi pas de très bonnes, dans lesquelles l’ensemble des fils et des filles de la RDC se retrouveront.
Avant son départ, Edem Kodjo a laissé l’opposition sous forte tension. Celle-ci est née de la déclaration pour le moins curieuse de l’Union pour la démocratie et le progrès social, UDPS, selon laquelle les 12 sièges que la médiation réserve à l’opposition lui reviennent de droit.
Steve Mbikayi, le président du Parti travailliste, a piqué une sainte colère en l’entendant, et Bitakwira avec lui. Ces deux leaders ont menace de quitter la voie du dialogue si l’UDPS persistait dans sa position, mais surtout si celle-ci était avalisée par la médiation.
Evidemment, l’ancien Premier ministre togolais ne l’entendait pas de cette oreille. L’UDPS a, par la suite, tenté de recadrer les choses, en n’y changeant malheureusement pas grand-chose à la fin. Car, a-t-elle dit après, ce n’est pas qu’elle entendait, s’accaparer des 12 sièges, mais que c’était à elle de désigner les éventuels participants, étant donné quelle ne croit pas en l’opposition de nous ceux qui se disent opposants. Sous-entendu, c’est à elle de dire qui est opposant et qui ne l’est pas.
Depuis, la situation n’a pas beaucoup évolué, le parti d’Etienne Tshisekedi refusant de revoir sa copie. C’est donc la situation qu’est venue trouver le médiateur désigné par l’Union africaine. Que va alors faire Edem Kodjo, puisqu’il doit avancer dans le travail qui lui, a été assigné, puisque le pays est suspendu comme sur un fil, puisqu’il n’est pas venu s’éterniser ici, puisque le temps ne s’arrête jamais pour contempler les caprices et les inconséquences des humains?
L’ancien Secrétaire général de l’ancêtre de l’UA, un homme pétri d’expérience, doit donc se situer au-dessus de la mêlée. Il y a des choses qui ne peuvent pas manquer de l’énerver, surtout qu’il n’est pas un habitué des tribulations légendaires de la singulière classe politique congolaise.
Mais l’essentiel pour lui, et c’est pour cela qu’il est la, est de toujours se surpasser afin d’arriver, in fine, à mettre tout le monde d’accord: Et, avec beaucoup de patience et d’abnégation, il ne pourra pas ne pas y parvenir.
Se placer au-dessus de la mêlée, c’est prendre, ne prendre que l’essentiel, le bon côté des déclarations et prises de position, mais c’est aussi mettre toutes les batteries en marche -elles doivent être suffisamment chargées pour concilier les différents points de vues, mener tous les protagonistes à la compréhension selon laquelle il s’agit de l’avenir du pays, leur pays, et que personne, à part eux et sans eux, ne peut lui vouloir du bien.
Le principe d’une négociation est que chacun des protagonistes fasse un pas, d’abord, vers le médiateur qui est au milieu. Un pas en appelant toujours un deuxième, une solution médiane finit toujours par être trouvée, parce que l’objectif est commun, le même. Edem Kodjo a donc du pain sur la planche, mais on sait qu’il s’en sortira. Ceux qui l’ont envoyé ici savaient à qui ils avaient affaire.
Quant aux différents acteurs congolais, les politiques comme ceux de la société civile, ils ne doivent jamais oublier la responsabilité immense, nationale, qui est la leur. Ils doivent se surpasser, surpasser leur petite personne, pour ne voir que l’intérêt supérieur de la nation. Il faut que les politiciens congolais comprennent que l’engagement dans la vie politique est un don de soi à son peuple et non une poursuite effrénée de l’avoir et du pouvoir personnels.
Valery Mankenda/L’Observateur