L’histoire de la RD Congo n’est que la longue suite de déprédations dont ses richesses naturelles et son capital humain ont fait l’objet des convoitises. En effet, ces ressources naturelles ont fait l’objet de troc, de contrebande et de trafic enrichissant les groupes armés. Elles ont toujours exacerbé les convoitises des pays voisins et limitrophes. C’est ce qui expliquait l’occupation des provinces à l’Est, 1996 et 2002, ainsi que les luttes fratricides sur le sol congolais, à Kisangani.
Les milliards de dollars tirés des trafics d’ivoire, d’or et de bois, financent des dizaines de groupes armés dans l’est de la République démocratique du Congo et y alimentent les conflits chroniques, indique un rapport de l’ONU publié vendredi. « Des groupes criminels internationaux militarisés sont impliqués dans des trafics à grande échelle » de « minerais, d’or, de bois, de charbon et de produits issus de la faune sauvage tels que l’ivoire », rapportant jusqu’à 1,3 milliard de dollars chaque année, selon ce rapport du Programme de l’Environnement de l’ONU (Pnue), basé à Nairobi.
Ces bénéfices financent – selon les diverses estimations – entre 25 et 49 groupes armés congolais et « alimentent de façon croissante les conflits » dans cette région où des rébellions sèment la terreur et le chaos depuis 20 ans parmi les populations locales, poursuit le Pnue. Le trafic d’or constitue le plus gros de ces recettes illégales, rapportant jusqu’à 120 millions de dollars annuels. Le contrôle des zones les plus riches en minerais (or, étain, coltan…) est un des enjeux alimentant l’instabilité chronique entretenue par diverses milices dans l’Est du Congo – en Province-Orientale, au Nord-Kivu et au Sud-Kivu et au Katanga – régions dont de vastes parts échappent à l’autorité de Kinshasa.
« Ces fonds captés par des gangs criminels (…) auraient pu être utilisés pour bâtir des écoles, des routes, des hôpitaux et un avenir au peuple congolais », a souligné Martin Kobler, le chef de la Mission de l’ONU en RDC (Monusco), la plus importante mission de maintien de la paix des Nations unies dans le monde en terme d’effectifs, dont le budget annuel s’élève 1,4 milliard de dollars.
« Imaginez si nous pouvions dépenser des centaines de millions de dollars de ces recettes envolées, subtilisées par les gangs criminels dans l’est de la RDC pour payer des professeurs, des médecins et promouvoir les affaires et le tourisme. Nous devons transformer l’or en taxes et ces taxes en développement pour un avenir prospère », a-t-il estimé.
Le sol de la RDC regorge de ressources naturelles – outre l’or et le coltan, on y trouve cuivre, cobalt, diamants, fer, nickel, manganèse, bauxite, uranium, étain… – mais sa population reste plongée dans la pauvreté et le pays figurait en 2014 à l’avant-dernière place mondiale en matière de développement humain. Selon le Pnue, seuls 2% – soit 13 millions de dollars – des gains nets des trafics reviennent aux groupes armés, suffisamment néanmoins pour assurer « annuellement l’intendance de base de quelque 8.000 combattants » et « permettre à des groupes défaits ou désarmés de refaire constamment surface et déstabiliser la région ».
Le reste de l’argent généré va dans les poches de « réseaux criminels transfrontaliers, opérant en et hors de RDC », notamment dans les pays voisins (Ouganda, Rwanda, Burundi et Tanzanie) et leur permet d’entretenir leur stratégie de « diviser pour régner » et de faire en sorte qu’aucun groupe armé ne puisse réellement dominer et s’emparer du trafic, selon le rapport.
La région abrite notamment le Parc national des Virunga où vivent des gorilles de montagne, une espèce menacée d’extinction. « L’habitat naturel de ces gorilles est menacé par la déforestation issue de la fabrication de charbon de bois », estiment les auteurs du rapport. Le Pnue dénonce également des tentatives de faire déclassifier le parc, afin que son bois et son pétrole puissent être exploités.
MMC