La Cour constitutionnelle devant ses responsabilités
*Corneille Nangaa, président de la CENI, a choisi Washington, capitale politique des Etats-Unis d’Amérique pour annoncer la volonté de son institution d’introduire une requête à la Cour constitutionnelle, afin d’obtenir une petite extension, limitée dans le temps. Ceci, parce qu’il est devenu impossible de respecter le délai constitutionnel
*Même s’il reconnait qu’il va être difficile que les acteurs politiques acceptent cette décision, le président de la CENI pense qu’il n’y a qu’une possibilité pour tenir aujourd’hui ce délai, c’est de renoncer à la révision du fichier électoral. Or, procéder de la sorte, c’est notamment ignorer près de 8 millions et demi de jeunes congolais âgés de 18 à 22 ans qui ne sont pas pris en compte dans ce fichier électoral.
Le président de la CENI, M. Corneille Nangaa, lui qui a annoncé depuis Washington, capitale politique des Etats-Unis d’Amérique où il était en visite de travail, la nécessité de saisir la Cour constitutionnelle, au motif qu’il est difficile pour son institution de respecter le délai constitutionnel, est de retour à Kinshasa depuis hier soir. Selon des informations en notre possession, il a été reçu au Département d’Etat.
« Nous allons faire une requête à la Cour constitutionnelle pour avoir une petite extension, limitée dans le temps », explique Corneille Nangaa à la Voix de l’Amérique, précisant que cela est déjà arrivé en 2006. A en croire une source proche de la CENI, la loi autorise cet organe technique de recourir à la Cour constitutionnelle, lorsqu’elle est dans l’impossibilité de respecter le délai constitutionnel.
« Est-il encore possible d’organiser les élections en novembre 2016 ? », s’interroge le président de la Commission électorale. Mais pour Corneille Nangaa, il n’y a qu’une possibilité pour tenir aujourd’hui ce délai, c’est de renoncer à la révision du fichier électoral. « Ça va être difficile que les acteurs acceptent », assure le président de la CENI.
Nangaa choisit Washington
Comme on peu bien le constater, l’annonce de la saisine de la Cour constitutionnelle est intervenue à Washington, capitale politique des Etats-Unis d’Amérique, et non Paris, Bruxelles ni Londres. Le moment est donc indiqué pour tirer la leçon de cette annonce qui a été faite après un échange avec les officiels américains. En plus, Corneille Nangaa n’a pas choisi d’autres médias pour s’exprimer, mais la Voix de l’Amérique, au regard de son audimat et de son importance. Ceux qui scrutent de près les faits et gestes, pensent enfin que la CENI doit avoir convaincu les officiels américains, surtout le Département d’Etat américain, pour obtenir son aval, afin de saisir la Cour constitutionnelle.
En réalité, la CENI a besoin qu’on lui donne un feu vert pour bien faire son travail, d’autant plus que son calendrier publié depuis février 2015, a accumulé une année de retard. Dans cette optique, le tenir devient impossible. Voilà pourquoi la CENI a pris son temps pour consulter les acteurs politiques qui, malheureusement, n’ont pas fait avancer les débats. Vu que la CENI n’a pas d’autre choix, elle ne peut que s’assumer, en demandant à la Cour constitutionnelle une petite rallonge.
Disons que depuis leur consultation, les acteurs politiques (Majorité présidentielle, Opposition politique et Société civile) ne se prononcent pas sur les options que la CENI doit lever, pendant que celle-ci reste très préoccupée sur ce qu’elle doit faire. Un peu comme pour dire que les acteurs politiques veulent pousser la CENI à la faute.
Car comment expliquer que la Majorité présidentielle, MP ne se prononce pas clairement, pendant que l’opposition politique qui ne tient pas compte de réalités techniques, ne jure que sur le respect du délai constitutionnel. De son côté, la Communauté internationale, non seulement n’a pas encore financé le processus électoral, mais aussi n’est pas en mesure de trouver de formule contraire à celle présentée par la CENI.
Utiliser le fichier électoral corrompu ?
Même si l’option qui a été levée est celle de saisir la Cour constitutionnelle, Corneille Nangaa pressent quand même qu’il aurait du mal à convaincre toute la classe politique de cette initiative. Aussi réfléchit-il s’il faut continuer avec le même fichier électoral qui pose problème ou attendre le nouveau fichier. Pour rappel, à l’issue d’un audit diligenté par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), il s’est avéré que le fichier électoral congolais posait problème, parce que près de 8 millions et demi de jeunes congolais âgés de 18 à 22 ans ne sont pas pris en compte dans le cadre de ce fichier électoral. Mais également, le rapport précise que le fichier électoral actuel n’a pas inclus des personnes décédées depuis 2011 jusqu’en 2015. D’après le rapport, ces personnes sont estimées à 1.6 millions d’individus, mais également le même rapport révèle que dans certains coins de la République, l’on a surévalué l’inscription, c’est-à-dire inscrit des personnes qui n’avaient pas l’âge requis. Et cela, pour des raisons politiques évidentes. Ces personnes sont aussi estimées à 1.6 millions des Congolais. Ce qui fait que comme l’on n’a pas encore enrôlé les nouveaux majeurs et comme on a excédé l’inscription de jeunes mineurs, il y a donc près de 7 millions d’électeurs potentiels qui ne sont pas pris en compte dans ce fichier électoral. Mais également, il y a 1,3% de la population congolaise non affectée aux sites de vote. Mais également l’OIF a fait un constat de 450 mille doublons avec des éléments connexes. D’où, la nécessité d’aboutir à des réformes qui vont nous amener à apprêter un fichier électoral inclusif avant d’évaluer le calendrier électoral.
De la nécessité du dialogue
Selon le professeur Auguste Mampuya, le dialogue n’est pas spécialement dicté par la crainte des manifestations de rue. Ce qui a selon lui rendu nécessaire le dialogue, c’est le fait qu’on est effectivement dans une impasse, au regard du temps et des délais qui étaient prévus pour l’organisation des élections présidentielles. Il se trouve que d’une manière presque certaine aujourd’hui, il n’y aura pas élection en décembre 2016, en tout cas pas l’élection du Président de la République dans ces conditions. Il faut un dialogue pour cela, que les gens se mettent à table pour trouver une solution consensuelle. Mais cela ne veut pas dire que le dialogue soit absolument nécessaire. Politiquement, il est bon qu’on dialogue ; mais du point de vue juridique, le dialogue n’est pas exigé du tout.
(JMNK)