P. Lumumba et L.D. Kabila : deux hommes, même destin pour un seul combat

Quarante années séparent leur disparition. Malgré ce grand décalage, les deux hommes ont marqué l’histoire du Congo en particulier, et de l’Afrique, en général. Il s’agit de Laurent-Désiré Kabila et de Patrice Emery Lumumba. Le destin a voulu qu’ils meurent dans des conditions presque similaires, livrés à leur bourreau par leurs plus proches collaborateurs. Les 16 et 17 janvier, le peuple s’en souvient.

 En ce mois de janvier 2015, le peuple congolais se souvient ces 16 et 17 de ces deux héros nationaux, ces dignes fils, morts armes à la main, pour avoir défendu sans détours la seule cause de la République démocratique du Congo.

Que retenir du combat de l’un ou l’autre ? En effet, entre les deux hommes existe une similitude de personnalité, une similitude de politiques et enfin, une similitude de destins.

La pensée de Lumumba, ravivée depuis 1997 par Laurent-Désiré Lumumba, n’a pas perdu de sa saveur. Laurent-Désiré Kabila au pouvoir, Lumumba s’est trouvé un vrai successeur.

Le 30 juin 1960, en prononçant son célèbre discours qui décriait le système colonial, vaguant à contre-courant du Roi des Belges et du président Kasa-Vubu, Lumumba réalisait là le plus grand coup de sa brève carrière politique. Mais, surtout il signait son arrêt de mort – l’Occident ne pouvait pas supporter un tel affront. On retrouve le même reflexe chez Laurent-Désiré Kabila.

LA RDC SE CHERCHE UN « JOSUE »

Lorsque Lumumba prédisait que le temps est venu pour le Congolais d’écrire sa propre histoire, Kabila ne s’en est pas écarté. Au pouvoir, il cherche à imposer un style, un peu dans la lignée de Lumumba. Il inaugure une méthode de travail qui place le peuple au centre de l’action politique. Incompris, il est assassiné le 16 janvier 2001.

Lumumba et L.D. Kabila ont eu quelque chose de commun dans leur combat politique. Tous les deux, ils ont défendu un idéal sans pour autant avoir les moyens de le concrétiser. Leur pensée s’est évanouie le plus souvent avec leur mort. Comme Moise, ils n’ont pas accédé à la terre promise.

Mais, 54 ans après la mort de Lumumba et 14 ans après celle de L.D. Kabila, la RDC est à la recherche de son « Josué » pour l’amener dans un Congo « plus beau qu’avant », celui vanté dans l’hymne national.

Dans une note, présentée comme la dernière avant sa mort adressée à sa femme, Lumumba paraît prophétique. En effet, il écrit : « Tout au long de ma lutte pour l’indépendance de mon pays, je n’ai jamais doute un seul instant du triomphe final de la cause sacrée à laquelle mes compagnons et moi avons consacré toute notre vie. Mais ce que nous voulions pour notre pays, son droit à une vie honorable, à une dignité sans tache, à une indépendance sans restrictions, le colonialisme belge et ses alliés occidentaux – qui ont trouvé des soutiens directs et indirects, délibérés et non délibérés, parmi ces hauts fonctionnaires des nations unies, cet organisme en qui nous avons placé toute notre confiance lorsque nous avons fait appel à son assistance – ne l’ont jamais voulu. Ils ont corrompu certains de nos compatriotes, ils ont contribué à déformer la vérité et à souiller notre indépendance. Que pourrai-je dire d’autre ? »

Comme Lumumba, que dire d’autre ? Sinon que la similitude des événements avec ce que vit actuellement la RDC étonne. Car, le Congo se retrouve dans un décor macabre, celui pour lequel Lumumba a consacré sa vie pour en éviter la survenance.

Aujourd’hui, la RDC est sous l’emprise des partenaires occidentaux si bien que rien ne peut se faire dans le pays sans qu’une main occidentale couvre le projet. Qu’on réhabilite une école, qu’on réfectionne une route, que l’on paie les décomptes finals des entreprises ou banques liquidées, qu’on organise des élections – et les exemples sont légion – c’est toujours l’Occident qui rythme la cadence.

Comme dans les années 1960, la jeune République démocratique du Congo a recouru aux Nations unies pour sa survie en tant qu’Etat. L’appel a été entendu, mais l’apport des forces onusiennes n’a pas été à la dimension des espoirs placés en elles. Plus tard, elles se sont avérées complices dans le malheur qui s’abattait sur la RDC.

Actuellement, la RDC tient encore dans ses frontières par la présence des éléments de la Monusco. Mais, il y a bien des choses à redire à propos de la présence des forces de la Monusco en RDC.

Comme Lumumba, tout au long de son règne, Laurent-Désiré Kabila avait toujours redouté la présence des soldats onusiens. A l’un ou l’autre, l’histoire donne de plus en raison.

La commémoration du 54 ème et du 14 ème anniversaire des assassinats de Lumumba et de Kabila doit être mise à profit pour éveiller une conscience nationale en net essoufflement. En se souvenant ces 16 et 17 janvier de la mort de deux héros nationaux, le peuple congolais doit en même temps s’interroger, en cette année du cinquantenaire de son indépendance, sur son destin.

C’est l’occasion aussi d’élaborer des stratégies pour une plus grande unité entre eux en vue de s’ouvrir réellement la voie du progrès. Celle-ci passe par une prise de conscience collective de notre avenir en tant que peuple et Nation libre et indépendante.

Kabila et Lumumba sont morts prématurément pour avoir eu le courage d’affirmer cette indépendance, cette liberté de choix politique et économiques.

Au-delà de la question des responsabilités, leur assassinat pose la question de l’ingérence politique des pays occidentaux en Afrique et de la poursuite du projet colonial quant à la mainmise sur les ressources naturelles.

L’heure n’est-elle pas venue de faire revivre cette voix ? La RDC doit se créer d’autres Lumumba et Kabila pour se frayer un chemin dans la grande course vers le développement.

Et le salut ne viendra ni de l’Occident – comme avec les institutions de Bretton Woods – moins encore de l’Orient – alors que le pays ne vibre qu’au rythme des contrats chinois – mais il viendra sûrement de l’adversité de tout un peuple à vaincre ses frustrations et à s’épanouir réellement en toute liberté et indépendance.

C’est le meilleur cadeau d’anniversaire qu’on doit offrir à nos deux vaillants combattants, morts au front pour un seul combat : la liberté dans la dignité.

 

La Rédaction