Joseph Kabila tient promesse
- Fini le suspense. Joseph Kabila a nommé hier jeudi 17 novembre 2016 le Premier ministre tant attendu. Le choix du Président de la République montre sa volonté d’ouverture qui a été celle de chercher le Premier ministre dans le camp le plus radical de l’opposition. Ce, dans le cadre de l’Accord politique issu du dialogue de la Cité de l’Union africaine. Que des pronostics déjoués ! L’oiseau rare, c’est Samy Badibanga Ntita, député national, doublé de Président du Groupe parlementaire UDPS et Alliés, législature en cours
- Cette nouvelle autour du successeur de Matata Ponyo intervient 48 heures seulement après le passage du Président de la République devant les parlementaires réunis en congrès. A cet effet, le chef de l’Etat avait promis que la nomination du Chef du Gouvernement sera imminente, dans le respect aussi bien de l’esprit que de la lettre de la Constitution et de l’Accord du dialogue
Une ordonnance présidentielle en mi-journée, ça n’arrive pas toujours. Ce, près d’un mois après la clôture des travaux du dialogue politique national sous la houlette du Facilitateur de l’UA Edem Kodjo et, au lendemain du grand oral de Joseph Kabila devant le Congrès. Le Président de la République a nommé Samy Badibanga Ntita au poste de Premier ministre.
Surprise ! Plus d’un ne le voyaientpas par cette brèche. Si c’est dans l’UDPS qu’il fallait puiser, d’aucuns pronostiquaient autour de Félix Tshisekedi, celui-là même qui, de la diaspora, dit-on, a ‘’conduit’’ Samy sur le tapis rouge de l’UDPS, il y a plus de 20 ans ; ou encore Rémy Massamba, actuellement 2eVice-Président de l’Assemblée nationale après feu Nkombo Nkisi. Le troisième nom cité alors était celui de Bruno Tshibala, aux arrêts, et dont l’histoire allait se rédiger dans le sens de la sortie de prison à la Primature.
A contrario, quelques bons analystes l’avaient prédit juste après les assises de la Cité de l’Union africaine : ‘’si c’est dans l’UDPS, il n’y a pas mieux que Badibanga’’.Et au moment où d’autres voyaient venir Kamerhe, des langues se sont déchainées pour stigmatiser le fait qu’il soit encore de l’Est comme son prédécesseur Matata et comme le Chef de l’Etat Kabila. Qui pis est, une certaine presse affirmait qu’avec Vital à la tête du Gouvernement, c’est Kabila qui perdrait sur toute la ligne… Mais il n’y a pas que la Primature pour ‘’gérer ensemble’’
Pourquoi Samy ?
En dépit du pouvoir discrétionnaire du Chef de l’Etat face à une liste de mille prétendants, un mari, M. Badibanga est sorti du lot. Son profil robot s’est imposé. C’est ce qu’il faut pour celui à qui revient la lourde charge de conduire un Gouvernement d’union nationale en cette période, et qui devra mener le pays vers des élections libres, démocratiques et apaisées, selon les termes repris dans l’Accord.
En outre, le vécu quotidien de la population avec du plomb dans l’aile, il y a là aussi un défi majeur à relever. C’est alors que le choix d’un homme, politique, congolais pur et dur, qui a un cursus et un carnet d’adresses devait s’opérer.
De prime abord, le nouveau Premier ministre a pris part au dialogue sur la liste de l’opposition. Ce qui lui donne le ticket d’accès à ce poste tant l’Accord exige que le Premier ministre doit être issu de l’opposition signataire de l’Accord. Deuxièmement, le poids politique compte. Question de primeur. Kamerhe se sera battu, non pas pour la Primature…l’ancien président de l’Assemblée nationale, Co-modérateur adjoint de l’opposition au dialogue politique qui a débouché sur un accord de « gestion consensuelle » du pays était certes, pressenti pour le poste de Premier ministre. Pourtant, UNC et Alliés de Vital Kamerhe est la 2ème force politique de l’opposition à l’Assemblée nationale, après UDPS et Alliés. Là aussi, c’est justice.
Troisièmement, tenant compte du facteur géopolitique, cette nomination a évité le clivage tant décrié. Voir le pouvoir ‘’confisqué ‘’ à l’Est a été stressant comme sujet dans plusieurs salons huppés. Il fallait dans cette nouvelle dynamique changer en quelque sorte le fusil d’épaule.
C’est d’ailleurs tenant compte de toutes ces considérations que Badibanga est reconnu non conflictuel. Dans sa casquette politique, il demeure plutôt un défenseur de l’Etat de droit. Il est bien connu pour ses critiques à l’égard de la politique gouvernementale menée par Augustin Matata Ponyo. Et c’est là qu’au nom de la synergie il devra imprimer un style de différence. Adepte de la gouvernance participative, il soutient les principes démocratiques et l’exigence de transparence dans la gestion des affaires publiques. Il ne manquera pas de peaux de bananes sur son chemin quant à ce, faut-il le dire en amont.
Qui est-il ?
Agé de 55 ans depuis 2 mois, originaire de l’ex Kasaï-Oriental, Kinois de naissance, Badibanga Ntita Samy est un intellectuel et leader avéré, qui connait aussi bien les arcanes du pouvoir, au pays que dans la diaspora pour en avoir fait partie. Elu de la ville capitale, député national depuis 2011, l’heureux promis siégeait jusqu’alors à la Commission des Ressources naturelles de la chambre basse du Parlement, au vu de ses qualités intrinsèques. Président du groupe parlementaire UDPS et Alliés, il est membre fondateur de l’IPDD (Initiative Panafricaine pour la Défense de la Démocratie).
Diplômé de l’Institut Supérieur des Sciences Humaines de Genève en 1986, il a aussi suivi des études sanctionnées par un deuxième diplôme de l’école du Haut Conseil du Diamant d’Anvers (HogeRaadvoor Diamant) et de l’International Gemological Institute d’Anvers.
Membre d’honneur de l’UDPS depuis 1994 et Conseiller spécial d’Etienne Tshisekedi de 2009 à 2011, il sera chargé de la stratégie diplomatique et de la direction de la campagne présidentielle de 2011. Soucieux de la cause nationale que des individus singuliers, Samy a décidé de siéger au Parlement contre le mot d’ordre lancé par Étienne Tshisekedi à l’issue des élections dont les résultats ont, comme on devrait s’y attendre, été contestés par son parti. Maints observateurs affirment qu’entre d’ailleurs ces deux personnalités, le pont n’a jamais été totalement coupé. Et pour s’en convaincre, Samy Badibanga partage encore et toujours l’amitié de Félix TshisekediTshilombo qui serait une fois triste d’avoir loupé sa chance à cause de l’intransigeance de son père. Quoi qu’il en soit, le Sphinx serait dans l’ombre, derrière l’heureux promus sur le compte de son parti, et donc de l’opposition.
Un autre défi à relever
Maintenant que le choix du chef est opéré, la prochaine étape est celle de la formation du Gouvernement d’union nationale. La tâche n’est pas aisée certes, mais elle n’est pas insurmontable. Augustin Matata Ponyo, avait déposé sa démission depuis lundi pour permettre cette nomination. Gare aux pêcheurs en eau trouble. Consensus veut dire aussi laisser la place aux méritants et aux autres. Devant cette épreuve de feu, comme premier ballon d’essai, le Premier ministre Samy Badibanga devra ouvrir l’œil, et le bon, tout en évitant de verser dans la conflictualité comme ce fut le cas avec son mentor à l’époque du Palais des marbres.
(Emanuel Badibanga)