La nouvelle expérience que va tenter la RDC par le découpage territorial actuel en 26 provinces va-t-elle ressembler à l’ancienne réalité des provincettes ou pourra-t-elle stimuler le réel rapprochement souhaité des dirigeants au couches inférieures de la population
Après plusieurs années d’attente, la République démocratique du Congo a enfin sous la main son deuxième découpage territorial. Celui qui ramène le nombre de provinces de 11 à 26. Suivant l’ordonnance présidentielle signée il y a un peu plus d’un mois par le chef de l’Etat.
Ce découpage à titre de rappel, est le deuxième que le pays connaît après celui opéré en 1988 par le président Mobutu quand il divisa la province du Kivu en trois provinces, à savoir, le Sud-Kivu, le Nord-Kivu et le Maniema. Ce découpage pour nombre d’acteurs politiques de l’époque, était fait à titre expérimental. Avec pour objectif, rapprocher le gouvernant de l’administré et booster le développement à partir de la base.
En tout cas, 27 ans après beaucoup de ceux qui étaient sceptique à l’amorce de ce découpage, sont pratiquement tous d’avis que l’expérience valait la peine d’être tenté. La province du Nord-Kivu pour ne pas le citer, a pris de l’envol et ses villes et cités comme Goma, Beni et même Butembo se sont développés à un rythme effréné plus que Bukavu. Pour nombre d’observateurs, n’eut été la guerre, menée par des milices armées et autres forces négatives dans cette partie orientale du pays, les choses seraient encore plus avancées. Nous ne disons pas que tout est parfait, aujourd’hui mais si vous posez la question à un ressortissant du Nord-Kivu de choisir entre vivre comme district à l’époque par rapport à la réalité d’aujourd’hui, il n’acceptera pas de vivre l’ancienne formule administrative où tout était dicté par Bukavu, les choses ayant beaucoup évolué.
Aujourd’hui nous voici devant 21 (vingt et une) nouvelles provinces créées, 21 parce que 4 provinces et Kinshasa ne sont pas concernées par l’opération de découpage à savoir : le Kongo-Central, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et le Maniema. Que doit-on faire pour les rendre viable ? Parce que pour l’instant, les infrastructures routières, les bâtiments administratifs, les hôpitaux, les universités, les unités de production, l’eau potable et l’énergie électrique font cruellement défaut.
Le Gouvernement central a là, de grands défis à relever. Et heureusement l’ordonnance présidentielle fixant le découpage était explicite quant au processus devant aboutir à l’effectivité de la subdivision de ces nouvelles provinces. Des commissions constituées des délégués de l’administration centrale émanant de la Primature, des Ministères des finances, du budget, des ITPR, des Affaires foncières, de l’EPSINC, de l’ETP (Enseignement technique et professionnel), de l’Intérieur, de la décentralisation et Affaires coutumières, de la santé, de l’Assemblée nationale, de l’Assemblée provinciale et du Gouvernement provincial concernés etc. descendront dans les nouvelles provinces pour faire l’état des lieux.
Evaluer les infrastructures, les avoirs et identifier les besoins réels et en faire rapport au Gouvernement central qui financera après contre expertise, la construction et ou la réhabilitation des bâtiments devant servir de siège du Gouvernorat, de l’Assemblée provinciale, de la Cour d’appel, de Tribunal de grande instance, de la Mairie, de l’Hôpital de référence, de quelques écoles, de sièges de commissariat provincial de police, des maison de détention moderne, des maisons communales, des routes d’intérêt provincial et locale, ainsi que celles de la voirie, des stades de football et terrains de sports etc. Ce sont là des infrastructures que le Gouvernement central s’engage à financer, on ne sait pas à partir de quel moment et pour quelle durée de temps. Ce qui est sûr, elles seront financées.
La part des futurs dirigeants
Quel profil doit avoir les futurs dirigeants de nouvelles provinces ? Ils seront choisis à la base de quels critériums ? Et où seront-ils recrutés ? Evidemment dans une société démocratique, les dirigeants seront naturellement élus par les populations qui auront à se prononcer à travers les urnes.
Mais la grande question, qui taraude beaucoup de gens, c’est si le choix des populations locales sera juste et bénéfique pour le développement de ces nouvelles entités appelés à se gérer et à se prendre totalement en charge.
Pour nombre d’observateurs avertis, les personnes qui vont diriger les nouvelles provinces demain, doivent être des rassembleurs d’abord, doublé de grande personnalité et de sens patriotique élevé. Deuxièmement ces dirigeants doivent être de gestionnaires attitrés, des créateurs d’emploi et des personnes ayant fait leurs preuves dans la direction des affaires ayant convaincu par le passé et réputé entreprenant.
Ils doivent être tout sauf xénophobe, et amoureux de la balkanisation. Ils sont appelés à accueillir favorablement et chaleureusement tous ceux des Congolais ou d’étrangers qui aimeraient travailler et s’installer dans ces nouvelles provinces qui ont besoin des apports de tous.
Dans un pays gâté par la nature avec l’abondance de la végétation, de l’eau douce, de la faune etc. et où les poissons meurent de vieillesse, les futurs dirigeants devraient multiplier des initiatives en encourageant le travail de la terre, l’agriculture, mais une agriculture mécanisée capable de produire les besoins domestiques et pour les exportations c’est-à-dire la vente vers les centres de consommation.
Des crédits seront nécessaires pour permettre aux professionnels du secteur de se doter des matériels aratoires, des engins mécaniques comme des tracteurs, les moissonneuses-batteuses, des véhicules, devant aider à opérer une production agricole industrielle. La pêche devra être redynamisée. Nos provinces toutes sans exception, disposent de rivières, de grandes étendues d’eau, comme des lacs non exploitées sur le plan de la pêche et de transport fluvial ou lacustre.
Il va falloir former des pêcheurs. Mais des paysans qui pratiquent déjà la pêche doivent être outillés, et doter des matériels de travail comme des filets, des hameçons. Mais tout doit être fait pour pratiquer la pêche industrielle. Ce n’est pas sorcier. Amener des bateaux de pêche, construire des chambres froides pour la conservation de poissons, mais disponibiliser aussi des routes pour l’évacuation des produits.
Nos cours d’eau doivent être exploités sur le plan de transport pour des spécialistes, la voie fluviale demeure le moyen de transport le moins coûteux comparativement au transport aérien, routier ou ferroviaire. Entre-temps, l’on doit assurer la promotion des sites touristiques. Mais la Snel et la Regideso doivent s’impliquer totalement pour procurer l’énergie et l’eau potable.
Sans formation des cadres, l’on ne peut prétendre à un développement durable. Les nouvelles autorités provinciales sont appelées à créer une université, des instituts supérieurs viables. Les centres de formation professionnelle doivent également figurer parmi les priorités, parce qu’à ce jour, l’arrière-pays souffre d’un manque criant des ouvriers qualifiés. Ce qui fait même qu’il est difficile de recruter un maçon digne de ce nom dans nombre d’agglomérations de nos provinces.
Il en est de même pour des électriciens, des menuisiers, des plombiers, des ajusteurs, des électroniciens et même des bons mécaniciens. La plupart de ces gens sont recrutés à Kinshasa ou de grandes villes. Les médecins et des laborantins sont quasi rares. Ils préfèrent prester à Kinshasa ou dans les chefs-lieux d’anciennes provinces plutôt que travailler dans les milieux ruraux. C’est un problème auquel il faudra penser dès aujourd’hui.
Jean-Pierre Seke/L’Observateur