Réflexion: Joseph Kabila, le sens de l’ouverture ?

En acceptant de collaborer avec l’opposition dans le cadre d’une gestion commune de la transition avec un Premier ministre issu de ses rangs, le chef de l’Etat aura fait preuve de dépassement en transcendant les clivages politiques au profit de la paix sociale que requièrent les circonstances actuelles.

« Quand on confisque le pouvoir, on le perd et quand on le partage, on le conserve ». Cette maxime, Joseph Kabila en a fait sienne dans la conduite de la vie politique de son pays. Il sait pertinemment bien ce que vaut le compromis en politique et accorde toujours la place qu’il faut au dialogue, refusant souvent de prendre le devant sur des décisions qui engagent l’avenir de toute une nation.

Lorsque son mandat arrive à terme le 19 décembre 2016, et que le pays court le risque de basculer dans une profonde impasse due à la non tenue des scrutins dans le délais constitutionnel, Joseph Kabila, en bon légaliste, soumet son sort à la Cour constitutionnelle au sujet de l’interprétation de l’article 70 de la Constitution relatif à la fin de son mandat.

Là où certains à sa place auraient fait preuve d’autoritarisme pour assurer leur maintien en poste de gré ou de force, Joseph Kabila a interrogé la loi fondamentale. L’arrêt rendu par la Haute Cour l’a maintenu en fonction jusqu’à l’installation du nouveau président élu pour éviter un vide institutionnel et préserver la continuité de l’Etat.

Joseph Kabila, pour l’intérêt supérieur de la nation ?

Des évêques de la Cenco chez Joseph Kabila, le 16 décembre 2017.

L’homme est resté, pour ainsi dire, constant dans cette approche légaliste et démocratique de l’exercice du pouvoir comme en témoignent les multiples concessions faites à l’opposition à qui il a laissé la charge de piloter l’Exécutif national au terme des négociations – en deux temps – de sortie de crise censées régler la transition jusqu’aux élections de fin 2017. Seul contre tous, il a tracé le chemin qui conduit à la paix. Il s’est fait violence en sacrifiant sa majorité d’où était censé provenir le Premier ministre conformément à la Constitution au profit de l’opposition au nom de l’apaisement social.

En politique, lorsque le détenteur du pouvoir développe une attitude consistant à confier des portefeuilles ministériels à des gens qui ne sont pas de son bord politique, il fait preuve d’ouverture. Là-dessus, Joseph Kabila aura rabattu le caquet à ses détracteurs en arborant la casquette d’un vrai démocrate prêt à transcender les clivages politiques pour l’intérêt supérieur de la nation.

Autant dans la mise en œuvre de l’accord du 18 octobre que dans celui du 31 décembre, il a respecté le principe d’attribuer la primature à l’opposition. Par delà, il s’est volontairement effacé dans ce processus politique en se plaçant au-dessus des querelles politiciennes. Le gouvernement Samy Badibanga ayant souffert d’un déficit d’inclusivité, il laissa alors l’initiative à la médiation des évêques catholiques censés trouver une issue à la crise politique en embarquant notamment le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement.

La nomination de Samy Badibanga (la surprise du chef !) s’inscrivait dans la mise en place des accords politiques de la Cité de l’UA conclut le 18 octobre 2016 entre une frange de l’opposition et la MP, le parti acquit au président congolais.

Joseph Kabila s’est refusé de se faire l’arbitre d’une crise provoquée par son maintien au pouvoir. Lorsque les prélats catholiques lui remettront les conclusions de leurs bons offices, il en appela à de nouvelles consultations pour donner une chance à la paix avec, pour motivation essentielle, le règlement de deux points restés en suspens, à savoir, la nomination du Premier ministre et la désignation du président du Conseil national de suivi de l’accord de la Saint-Sylvestre (CNSA).

Kabila, l’homme des concessions ?

Le président Kabila recevant Bruno Tshibala et les membres du Rassemblement « aile Olenghakoy » en vue des consultations pour la formation d’un gouvernement dirigé par l’opposition, 4 avril 2017. (© Présidence)

Toujours dans sa posture de retrait, il a pris tout son temps pour attendre du Rassemblement, la proposition de trois personnalités proposées à la primature. Face aux tergiversations d’une opposition scissipare, en déficit permanent de convictions et empêtrée dans ses contradictions internes, Joseph Kabila finit par user de ses prérogatives régaliennes et discrétionnaires en nommant Bruno Tshibala, un cadre de l’UDPS et membre du Rassemblement. Il n’est pas sorti de l’accord pour autant que le nouveau promu est bel et bien issu du Rassemblement.

L’on peut bien spéculer sur la procédure ayant conduit cet émule de feu Etienne Tshisekedi à la primature, personne ne peut mettre en doute la qualité d’opposant de cet ancien porte-parole du Rassemblement de l’opposition (Rassop). Habitué à des alliances contre nature lorsque les circonstances l’exigent comme autrefois avec la transition 1+4 qui l’astreignait à partager le pouvoir avec des leaders politiques aux antipodes de sa vision, Joseph Kabila récidive aujourd’hui avec un Premier ministre issu du Rassemblement, un « thisekediste radicaliste » pur sang. Bien plus, il concède à l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti-phare de l’opposition, un quota de quatre postes ministériels.

Ce qui peut paraitre, de prime abord, comme une faiblesse de la part du chef de l’Etat démontre, en réalité, son côté fort en mettant en relief son côté démocrate toujours enclin à faire des concessions. N’en déplaise à ses détracteurs, il a toujours le contrôle de la situation et son honneur demeure toujours intact. Plus que jamais, cet homme à qui la RDC doit d’avoir tenu en 2006 ses premières élections libres depuis quarante ans, sait ce qu’il fait et ce qu’il veut de mieux pour son pays.

Alain Diasso
Adiac-Congo