Affaire Monusco : Kobler –Tshibanda, dos-à-dos !

Hier, au Conseil de Sécurité de l’Onu, à New York, Martin Kobler et Raymond Tshibanda Ntungamulongo, ont dévoilé le fond de ce qui pourrait constituer, désormais, l’épine dorsale de la division entre la RD. Congo et l’Onu sur l’avenir immédiat de la Monusco.

Faut-il  ou pas sonner le glas du départ des casques bleus du sol congolais ? 

Telle est la question à laquelle chacune de ces deux personnalités, a tenté de répondre. Si, pour Kobler, beaucoup reste à faire sur le chemin, fort étroit, de la restauration de la paix et de la sécurité sur l’ensemble du territoire congolais, il n’en est pas  le cas, pour le Ministre Rd. congolais des Affaires Etrangères et de la Coopération. A l’en croire, les choses tournent normalement, sous la férule des institutions légitimes issues des élections 2011. 

A l’exception de quelques poches d’insécurité, la paix et sécurité règnent. Et qu’en plus, les Fardc sont engagées, tout feu, tout flamme, dans des opérations exigées de traque  contre les Fdlr. Dans cette même  perspective, elles ne lésinent pas sur les moyens à utiliser contre tous les autres groupes armés, encore opérationnels dans l’Est du pays.  A ce stade, dit Tshibanda, l’Onu ferait mieux de décréter un retrait progressif de ses hommes, vingt mille à peu près, du territoire congolais. 

La Prospérité, votre Quotidien préféré,  a eu, heureusement,  accès à ces discours mémorables. Tard la nuit, alors que cette édition tirait vers sa fin, le décryptage rapide de ces échanges épistolaires, laisse, derrière les analyses impartiales, l’impression qu’entre la RD. Congo et la Monusco, les visions et approches quant à leur mission et rôle de cette dernière,   surtout en cette période cruciale de l’histoire préélectorale, sont tranchées.  Il reste que le Conseil de Sécurité, organe  de décision de l’Onu, puisse en tirer toutes les conclusions. De sorte qu’au bout de tout, la logique d’affrontement qui, apparemment, a tendance à se corser, cède le pas à une nouvelle phase de collaboration somme toute franche et sincère. 

En tout cas,  le sort du congolais en est  tributaire, s’il faut espérer qu’au terme de  la conjugaison des efforts,   les forces négatives soient démantelées  et qu’en même temps, que l’on amorce l’ère du  nettoyage  des  écuries d’Augias.  Il n’y a qu’en ce moment-là, qu’il sera possible de parler, selon un observateur avisé, d’un début de pose des balises en vue d’un redécollage  du Congo-Kinshasa  sur de nouvelles bases. Lisez, ici, les deux déclarations ! La première est de Kobler. Tandis que la seconde est de Tshibanda.

La partie était très serrée, croit-on savoir, dans les parvis de l’Onu.  Pourtant, il est possible de ramener la balle sur terre et de regarder dans la même et seule direction, pour sauver la RD. Congo, des affres du mal qui, depuis plusieurs décennies, laminent ses forces et  espoirs.

 

 

Exposé du Représentant spécial du Secrétaire général,  Martin Kobler au Conseil de sécurité

Ensemble nous sommes plus forts

19 mars 2015

Monsieur le Président, distingués membres du Conseil de sécurité

Je voudrais tout d’abord féliciter la France pour sa présidence du Conseil de Sécurité.

C’est un honneur d’être parmi vous pour vous présenter les derniers développements concernant la République démocratique du Congo et la MONUSCO.

Dans les jours qui viennent vous adopterez une résolution qui donnera à la MONUSCO son nouveau mandat.

Je vous remercie de nous avoir donné les moyens nécessaires pour remplir notre mission, tout comme je vous remercie de nous avoir compris et soutenu aussi dans les moments difficiles.

Monsieur le Président,

Les consultations sur le renouvellement du mandat sont une excellente opportunité de faire le point sur ce que nous avons réalisé durant la dernière année, de déterminer si la MONUSCO est toujours sur la bonne voie pour remplir son mandat et quels ajustements pourraient être apportés durant l’année en cours pour assurer un travail plus efficace.

Je voudrais tout d’abord remercier le Gouvernement de la République démocratique du Congo, et en particulier le Ministre des affaires étrangères M. Tshibanda, avec qui nous avons toujours coopérer dans un esprit caractérise par la franchise et l’ouverture. La MONUSCO est un invité temporaire de votre pays, un prestataire de services pour le Congo, et en même temps un fervent défenseur des valeurs défendues propres aux Nations Unies.

J’ai eu l’occasion de discuter samedi dernier avec le Président Kabila en présence du Ministre des affaires étrangères M. Tshibanda sur la situation actuelle, et en particulier sur la relation entre le Gouvernement et la MONUSCO. Nous avons convenu de tenir un dialogue structuré pour parler des sujets de fond.

Monsieur le Président,

Je vais informer le Conseil sur quatre points:

Premièrement: les prochaines élections de 2015-2016.

Deuxièmement: la situation sécuritaire dans l’Est, y compris la mise en oeuvre de la Politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme des Nations Unies.

Troisièmement: les efforts de stabilisation et la restauration de l’autorité de l’État.

Quatrièmement: comment rétablir une approche constructive avec le Gouvernement en créant une atmosphère de confiance.

Monsieur le Président,

Mon premier point concerne les élections à venir.

Je salue la publication du calendrier électoral global le 12 février 2015. Ce calendrier prévoit la tenue des élections présidentielles et législatives en novembre 2016.

Comme l’ont démontré les manifestations publiques à Kinshasa, Bukavu, Goma et Lubumbashi en janvier 2015, le peuple congolais tient à l’organisation des élections dans les délais prévus.

Ces élections représenteront un moment clé de l’histoire de la RDC.

La MONUSCO est prête à appuyer les élections – si la demande est faite – sur le plan logistique, technique et par ses bons offices.

Nous sommes déterminés à soutenir des élections paisibles et respectueuses de la Constitution. Le Secrétaire général a aussi abordé le sujet de la constitutionalité des élections lors du 24ème Sommet de l’Union africaine en janvier dernier.

Comme établi dans la résolution 2147, il appartient à toutes les parties concernées de créer les conditions nécessaires pour que le processus électoral soit libre, juste, crédible, inclusif, transparent, pacifique et conforme au calendrier, et qu’il s’accompagne d’un débat politique libre et constructif, et pour que soient assurés la liberté d’expression, la liberté de réunion, un accès équitable aux médias, y compris aux médias d’État, et la sécurité et la liberté de circulation de tous les candidats, ainsi que des observateurs et témoins, des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et des acteurs de la société civile, notamment des femmes.

C’est de cela dont je parle lorsque je parle de défense des valeurs chères aux Nations Unies.

Je suis préoccupé par l’arrestation de plusieurs dizaines d’acteurs de la société civile il y a quelques jours. Un espace politique libre pour la société civile est une condition préalable pour la tenue d’élections crédibles.

J’en arrive donc à mon deuxième point: lorsque la MONUC est arrivée il y a 15 ans, le pays était socialement, économiquement et politiquement déchiré. Lorsque la MONUC est arrivée, le pays était en guerre civile.

Aujourd’hui, le pays est uni; il existe désormais une identité congolaise claire, partagée et célébrée. Ce n’est plus un pays en guerre, ni en transition. C’est une nation fière.

Durant cette période, le Gouvernement congolais a oeuvré afin de fournir la sécurité à sa population.

Il a réussi à libérer une grande partie du territoire de l’emprise des groupes armés qui y semaient la terreur.

La présence des groupes armés est maintenant limitée aux provinces de l’Est du pays. La situation sécuritaire globale n’est cependant pas encore stabilisé; encore moins irréversible.

Beaucoup de Congolais vivent encore dans la peur du viol, la peur des attaques, la peur de se faire voler ses biens déjà minimes.

Cette peur hante chaque aspect de la vie quotidienne.

La peur de se rendre à l’école à pied.

La peur de se rendre au marché.

La peur de travailler dans les champs.

Lorsque la sécurité sera assurée de manière plus étendue, le temps sera alors venu pour la MONUSCO de commencer son retrait progressif.

Et comme je l’ai toujours dit: la MONUC est entrée par l’ouest et la MONUSCO sortira par l’est.

La MONUSCO ne restera pas éternellement en RDC. Nous envisageons le jour où la MONUSCO partira du Congo, avec la poursuite de l’appui au développement transférée à nos collègues de l’Équipe de pays.

Oui, le Congo est plus sécuritaire qu’auparavant.

Oui, le Congo est sur la voie de la stabilité.

Cependant, nous devons fournir encore plus d’efforts pour réduire la menace provenant des groupes armés et la violence contre les civils à un niveau que les institutions congolaises pourront gérer et dans le but d’atteindre la stabilité à travers la mise en place d’institutions étatiques fonctionnelles, professionnelles et responsables ainsi qu’à travers la consolidation des pratiques démocratiques.

Le retrait devrait correspondre au progrès accompli dans ces domaines. Tout retrait de la MONUSCO devrait être fait de façon graduelle et progressive et lié à des objectifs spécifiques à établir conjointement par le Gouvernement et la MONUSCO.

Nous devrions donc viser la consolidation de la paix afin de laisser derrière nous un Congo paisible et résolument engagé sur la voie de la prospérité.

Dans les régions dominées par l’ADF, il y a eu réduction des actes d’attaques terroristes – de torture, de mutilation et de décapitations.

Récemment, à Beni et aux alentours, près de 300 personnes, y compris des femmes, des enfants et même des nourrissons, ont péri mutilées suites à des attaques terroristes.

Au moment où je m’adresse à vous, les rebelles de l’ADF qui se cachent dans les jungles de Kamango, sont en train d’être pourchassés par de vaillants soldats FARDC avec le soutien de la MONUSCO.

Nos efforts conjoints contre les ADF, tels que durant les opérations contre les M23 deux ans auparavant, ont forgé un lien solide entre les soldats FARDC et ceux de la MONUSCO.

Cette coopération était assurément exemplaire et démontre vraiment qu’ensemble, nous sommes plus forts. J’ai espoir que cela va se poursuivre.

Cependant, la plus grande menace à la paix et la sécurité dans la région des Grands Lacs reste les FDLR.

C’est pour cette raison que vous avez donné mandat à la MONUSCO d’appuyer le Gouvernement dans la neutralisation de ce groupe.

Un mandat que nous devrions mettre en oeuvre en offrant notre soutien aux FARDC.

Nous ne devrions pas être divisés sur la question.

Les opérations ont été planifiées conjointement.

Nous avons travaillé avec les généraux aux commandes depuis des mois avec un excellent esprit d’équipe constructif. Cependant, ils ont été remplacés par des officiers qui ont commandé des unités avec un crédible historique de violations des droits de l’homme.

Nous avons donc été obligés de suspendre notre appui aux opérations sous leur commandement.

Toutes les autres opérations, contre les ADF, contre le FRPI et contre les FDLR au Sud-Kivu, peuvent continuer avec notre appui, et conformément à la Politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme.

La décision de suspendre notre soutien traduit nos valeurs incontestables ancrées dans la protection des droits de l’homme.

Nous voulons soutenir le combat contre les FDLR tout en observant notre Politique sur les droits de l’homme. Nous ne voulons pas choisir entre le combat contre les FDLR OU le respect des droits de l’homme.

Ceci est notre devoir, vis-à-vis du peuple congolais et vis-à-vis de nous-même.

La protection des droits de l’homme est fondamentale et ne peut pas être compromise.

Nous sommes guidés par cette claire boussole morale.

Et permettez-moi d’ajouter un commentaire personnel: je suis fier de travailler pour les Nations Unies et pour le Secrétaire général avec sa politique claire des « droits humains avant tout ».

Je sais – et le Président Kabila lui-même me l’a confirmé – que le Gouvernement congolais partage la même politique de tolérance zéro concernant les violations des droits de l’homme.

Je n’ai pas de doute sur la volonté du Gouvernement à prendre les mesures appropriées pour remédier à cette situation regrettable.

Laissez-moi dissiper tout malentendu éventuel: la MONUSCO est pleinement engagée à combattre les FDLR. Elle est aussi engagée à respecter la Politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme.

Monsieur le Président,

Il n’y a pas de solution purement militaire au problème des FDLR; elle doit être suivie d’initiatives non-militaires, y compris d’un processus de démobilisation et de rapatriement fonctionnel et d’une restauration plus étendue de l’autorité de l’État si nous voulons des solutions durables.

Sur ce, je ne peux pas être satisfait des progrès actuels.

Les éléments FDLR qui se sont rendus sont encore dans les camps de Kanyabayonga, Walungu et Kisangani où ils maintiennent une structure militaire fonctionnelle et intacte.

Quelques-uns des combattants FDLR ont rendu les armes, il est vrai, mais leur démobilisation n’est pas encore amorcée, encore moins leur rapatriement.

Laissez-moi donc en venir à mon troisième point: la stabilisation et la restauration de l’autorité de l’Etat.

Pour que la paix soit durable, il nous faut plus que des actions militaires.

Comprendre et s’attaquer aux causes profondes du conflit est essentiel pour briser ce cycle continuel de violence.

Je voudrais vous renseigner sur les développements récents. La MONUSCO a récemment créé un groupe de travail sur les crimes reliés à l’exploitation des ressources naturelles avec le Programme pour l’environnement des Nations Unies et

l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs.

Outre l’assistance apportée à la protection des richesses naturelles du Congo pour les générations futures, la Mission explorera les voies et moyens afin de contribuer à la résolution des problèmes de conflit sous-jacents au Congo, dans les limites de son mandat.

Nous n’avons pas seulement affaire à des groupes armés, mais aussi à des groupes criminels bien organisés. L’exploitation des ressources naturelles à l’est de la RDC est évaluée à plus d’un milliard de dollars américains par année. Une partie de ces ressources sortent de manière clandestine du pays. Il est estimé que 98% des profits net provenant de l’exploitation illégale des ressources naturelles – surtout de l’or, du charbon et du bois – profitent aux réseaux internationaux du crime organisé. Les groupes rebelles ne retiennent que 2% des profits provenant de la contrebande.

Combien d’hôpitaux pourraient être construits si le commerce légal prenait la place du commerce illicite?

Combien de kilomètres de routes remis en état?

Combien d’enseignants pourraient être payés?

L’objectif est clair:

Transformer l’or en taxes

Transformer les taxes en écoles

Transformer les écoles en un futur prospère

Monsieur le Président,

Je voudrais terminer par mon quatrième point.

En effet, je voudrais ici également m’adresser à son Excellence le Ministre des affaires étrangères, Monsieur Raymond Tshibanda.

Le 15 février dernier, le Président Joseph Kabila exprimait ses pensées quant aux actions et résultats de la MONUSCO.

Pour mieux coopérer, il faut créer une atmosphère de confiance.

Ne perdons pas de vue que le gouvernement et la MONUSCO sont sur la même ligne en ce qui concerne les objectifs : le bien-être de la population, la fin des violences à l’Est de la RDC, mais aussi le départ de la Mission.

Nous sommes ici au service du peuple.

Nous sommes donc aussi ici pour offrir nos services au gouvernement.

Notre volonté de quitter le pays est réelle et sans équivoque.

C’est aussi la vôtre.

Le départ de la MONUSCO doit être lié aux résultats obtenus et à l’amélioration concrète de la situation sur le terrain.

En attendant, nous devons trouver dès aujourd’hui les moyens concrets d’améliorer la situation et les relations.

Je propose donc au gouvernement de réenclencher la coopération sur la base d’une confiance mutuelle.

M. le Président, distingués membres du Conseil de Sécurité,

Finalement, comme cela est la coutume, je souhaiterais féliciter des collègues qui se sont distingués récemment.

Permettez que je rende hommage à tous les agents de la section Protection de l’enfant de la MONUSCO et de l’Unicef.

Main dans la main avec les FARDC, chaque jour, ils sortent les enfants de l’emprise de groupes armés. En 2014, ils étaient plus de mille à retrouver la liberté.

Durant les trois premiers mois de 2015, plus de 160 enfants soldats ont réussi à s’échapper de l’emprise des FDLR et ont trouvé refuge auprès de la MONUSCO.

C’est un vrai succès.

Je vous remercie pour votre attention et je profite de cette occasion pour vous exprimer ma reconnaissance pour le soutien que vous nous avez toujours apporté.

 

 

REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

INTERVENTION DE SON EXCELLENCE MONSIEUR

Raymond TSHIBANDA N’TUNGAMULONGO

MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES ET DE LA COOPERATION INTERNATIONALE

DEVANT LE CONSEIL DE SECURITE:

SITUATION CONCERNANT LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

New York, le 19 mars 2015

(à vérifier à l’audition)

 

Monsieur le Président,

Je tiens tout d’abord à vous féliciter pour votre accession à la présidence du Conseil de sécurité pour ce mois de mars 2015, à vous dire combien nous sommes honoré de voir la France, un pays ami, diriger les délibérations du Conseil de ce jour.

Je voudrais vous remercier de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole devant votre Conseil à la présente séance, qui se penche sur la situation en République démocratique du Congo, question qui revêt une importance capitale pour mon pays.

Permettez que je puisse saisir cette opportunité pour exprimer une nouvelle fois au Conseil toute la gratitude du peuple et du Gouvernement de la République Démocratique du Congo pour les efforts déployés par les Nations Unies, afin de préserver la souveraineté et l’intégrité territoriale de notre pays et pour lui garantir la paix et la stabilité.

Je voudrais, enfin, rendre un hommage appuyé à Son Excellence Monsieur BAN Ki-moon, Secrétaire général des Nations Unies, pour le souci constant et jamais démenti dont il n’a eu de cesse de faire montre, ainsi que son implication personnelle d’œuvrer à la consolidation de la paix dans mon pays.

Monsieur le Président,

 

Les relations entre l’Organisation des Nations Unies et la République démocratique du Congo datent de l’accession de cette dernière à la souveraineté internationale. Elles sont donc vieilles de près de cinquante-cinq ans, période au cours de laquelle l’ONU et la République démocratique du Congo ont réalisé tant de choses mémorables ensemble. Nous sommes convaincus que l’histoire en témoignera mieux que nous ne pouvons le faire en quelques minutes aujourd’hui.

Ces relations ont presque toujours été bonnes, souvent excellentes, sinon exemplaires. Il faut malheureusement reconnaitre qu’elles traversent actuellement une zone de turbulence. Notre souhait le plus ardent est que cette mauvaise passe soit la plus brève possible. L‘histoire de notre pays et notre volonté politique commune ne permettent pas en effet d’aller dans une autre direction que celle de l’apaisement.

Comment ne pas s’en convaincre quand on sait que c’est grâce notamment au partenariat entre l’ONU et la RDC que l’intégrité territoriale et la souveraineté de mon pays ont pu être sauvegardées, malgré les convoitises et les multiples agressions ouvertes ou par proxis interposés; que la paix, souvent rompue, à chaque fois été rétablie, puis consolidée, tant dans mon pays que dans l’ensemble de la région des Grands Lacs africains; que nous assistons à la consolidation, chaque jour plus assurée, de l’autorité de l’Etat et du respect des droits de l’homme en République démocratique du Congo; et que des élections libres, gages d’institutions fortes et crédibles, se cristallisent chaque jour davantage comme l’unique mode d’accès et de conservation du pouvoir public dans mon pays, l’ONU n’ayant de cesse de rappeler aux Etats-membres leurs obligations aux termes de sa charte, notamment le strict respect des principes démocratiques, ainsi que de celui sacro-saint de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres Etats.

C’est notre conviction que, pour consolider ces acquis, nous avons, ONU et Gouvernement de la République démocratique du Congo, le devoir de continuer à travailler en équipe et, pour ce faire, à pérenniser l’esprit qui avait jusque-là caractérise ce partenariat et qui en a été un facteur déterminant d’efficacité. Esprit de dialogue et de respect mutuel, conformément aux prescrits de la Charte, en ce compris le respect, en tout temps et en toute circonstance, de l’intangible souveraineté de la République démocratique du Congo.
Pour sa part, cette dernière affirme, haut et fort, qu’elle demeure et demeurera toujours fidèle à cet esprit.

Monsieur le Président,

Les points de friction actuelles dans les relations entre l’ONU et la RDC sont au nombre de quatre. Il s’agit:

1) de la revue stratégique et des conséquences logiques a en tirer, notamment en ce qui concerne le transfert des responsabilités de la MONUSCO et le rythme de réduction des troupes des Nations Unies en RDC;

2) du désarment forcé des rebelles rwandais des FDLR ;

3) de l’évolution de la présence des rebelles ougandais des ADF/NALU au Nord Est de la RDC; et

4) des suites politiques de la fin de la rébellion du M23.

Pour besoin d’édification des membres du Conseil, permettez-moi de clarifier le point de vue de la République démocratique du Congo sur ces points, au regard de l’évolution récente de la situation sécuritaire, politique et économique sur le terrain.

Pour ce qui est de la revue stratégique, je rappelle que, sous la forme d’une mission de maintien de la paix, puis de stabilisation, notre organisation est présente au Congo, à notre demande, et ce depuis 1999. Elle y a déployé et y maintient environ 20 000 hommes de troupes dont trois milles de la Brigade Spéciale d’intervention spécifiquement charges d’appuyer les FARDC dans l’éradication des forces négatives présentes dans l’Est de notre pays. Il y a lieu de rappeler aussi  que, dès le départ, il était convenu que cette contribution onusienne serait progressivement revue a la baisse, au fur et à mesure que les risques de sécurité diminueraient et que les Forces Armées de la RDC atteindraient un niveau de performance leur permettant d’assurer par elles-mêmes la sécurité du pays.

Monsieur le Président,

Il est vrai que des parties importantes de notre pays sont encore aujourd’hui objets de préoccupations en matière de sécurité. Il y a notamment les poches. Comparés à l’ensemble du pays, les territoires à sécuriser représentent aujourd’hui moins de 5% de la superficie de la République. A l’arrivée de la MONUC presque la moitié du territoire national vivait dans l’insécurité et échappait au contrôle effectif des autorités nationales. Le pays était divise en autant de territoires quasi-autonomes, d’administrations et d’armées qu’il y avait de groupes rebelles et, à la faveur de ce délitement total de l’Etat, les violations massives des droits humains, singulièrement l’enrôlement des enfants, les viols et autres violences sexuelles avaient atteint un niveau révoltant pour la conscience humaine.

Aujourd’hui, il y a certes encore quelques poches d’insécurité entretenues par des terroristes ougandais dans et autour de la ville de Beni au Nord-Kivu et par des rebelles rwandais des FDLR a certains endroits bien localises du Nord Kivu et du Sud Kivu. Partout ailleurs, sur le territoire national,  la paix et la sécurité règnent, y compris en Ituri et au Nord Katanga, vu que les quelques troubles qui, sporadiquement, y sont causes a la quiétude des citoyens par l’activisme de quelques brebis égarés relèvent du maintien de l’ordre public et ont été soit maitrises, soit en voie de l’être. Bien plus, dans la RDC d’aujourd’hui, il y a:

– un État qui fonctionne et dont l’autorité s’exerce effectivement sur la quasi-totalité du territoire national;

– des institutions légitimes et efficaces, comme en témoignent nos performances économiques: une croissance du PIB de 9,5% en 2014 et qui, de l’avis des institutions crédibles comme le FMI, pourrait atteindre 10,5% en 2015; un taux d’inflation proche de zéro; un taux de change de la monnaie nationale stable; des réserves internationales et des investissements directs étrangers en constante augmentation; la mise en œuvre de plusieurs réformes importantes, au point d’être classe l’un des dix pays les plus réformateurs au monde par la Banque mondiale; et la réhabilitation / construction, en moins de cinq ans, de plus d’écoles, d’hôpitaux et de kilomètres de routes qu’au cours des cinquante précédentes années;

– une armée en pleine reconstruction, et dont la montée continue en puissance est incontestable, la défaite du M23, la neutralisation quasi-achevée des ADF/NALU et les opérations militaires en cours contre les FDLR en étant une des preuves irréfutables;

– l’instauration de la démocratie, avec l’organisation des premières élections réellement libres et démocratiques de notre histoire en 2006, l’organisation des élections législatives et présidentielles à terme échu en 2011, la mise en œuvre effective de la décentralisation et l’organisation programmée des élections locales, municipales, urbaines, provinciales, sénatoriales, législatives et présidentielle en 2015 et 2016.

Au vu de cette énumération non exhaustive, tout observateur objectif se doit de reconnaitre qu’un travail énorme a été réalisé.

La République démocratique du Congo est reconnaissante envers l’Organisation des Nations Unies pour son inestimable concours dans la poursuite et l’atteinte de ces résultats.

Elle estime cependant que le moment est venu pour elle d’assumer pleinement ses responsabilités quant à sa sécurité et à celle de ses populations. Elle plaide donc pour que le Conseil fasse droit à cette aspiration légitime qui est consubstantielle de la notion-même de souveraineté nationale.

A cet égard, je tiens à porter à la connaissance des membres du Conseil les efforts considérables faits par mon Gouvernement en matière de réforme du secteur de sécurité. Par-delà la définition   certifiée d’une doctrine militaire, la mise au point d’un plan général de réforme, l’adoption par le Parlement et la promulgation par le Chef de l’Etat de toutes les lois requises tant pour l’Armée que pour la Police Nationales et la nomination aux postes de commandement conformément à la nouvelle architecture de l’une et l’autre, le chantier de la constitution de la Force de Réaction Rapide souhaitée et attendue par le Conseil est déjà largement engagée. C’est dans ce cadre qu’il faut en effet inscrire la formation et l’équipement des trois Brigades suivantes:
– La 11ème  Brigade, célèbre par ses opérations victorieuses contre les rebelles du M23 et les ADF sous le commandement du feu Général Mamadou NDALA. Cette Brigade est composée de 3 bataillons formés par la coopération chinoise;

– La 21ème  Brigade, composée de 3 bataillons formés par l’Afrique du Sud et qui est présentement déployée au Katanga; et


– La 31ème  Brigade, composée de 3 bataillons dont les militaires, formés par la coopération belge ont été mis a contribution dans certaines opérations antérieures de pacification au Nord Kivu et vont être bientôt déployés dans le cadre de la poursuite des FDLR dans la forêt congolaise.

Pour ce qui est de la mise en œuvre de la résolution  relative au désarmement forcé des rebelles rwandais des FDLR, je commencerais par regretter l’incident qui explique la non-participation directe de la MONUSCO à ce désarmement, alors même que ce travail figure parmi les tâches que notre organisation devait accomplir en République démocratique du Congo. A ce sujet, je voudrais d’abord dire que cette situation n’est pas le fait de la République Démocratique du Congo qui n’a fait que prendre acte de la décision de la MONUSCO de suspendre son appui. Bien plus, les autorités congolaises n’avaient pas été informées avant leur nomination à leurs postes de ce que les officiers mis en cause étaient classés « rouges» par les services de la MONUSCO. Je voudrais ensuite dire que notre pays est partie prenante de tous les efforts des Nations Unies pour la promotion et le respect des droits humains. La question ne se pose donc pas de ce point de vue.

En témoigne éloquemment le fait que le tiers au moins de la population carcérale en RDC est composée des éléments de forces de défense et de sécurité, officiers et hommes de rang. Il n’en serait pas le cas si nous faisions preuve de complaisance à leur égard. Cela dit, comme tout pays membre des Nations Unies et ce conformément à notre Charte, la RDC tient à garder une totale autonomie en matière de nomination de ses cadres civils ou militaires. Seuls des empêchements réellement documentés peuvent en toute souveraineté, être pris en compte au moment où se prennent des décisions de nomination. En dépit de la suspension de l’appui de la MUNSCO et ne pouvant se dérober de ses responsabilités, les Forces Armées de la République Démocratique du Congo ont ainsi lancé et mènent actuellement les opérations contre les forces des FDLR. 

A ce jour, des avancées importantes ont été réalisées, près de 200 combattants, dont fort malheureusement 91 enfants soldats ont été arrêtés ou se sont rendus; des localités jadis constituées en places fortes tels que Mulenge, Kitoga, Kigogo, Kangova et Kashindaba au Sud-Kivu et Kahumiro, Kantemba, Kaza Roho et Mulimbi au Nord-Kivu, ont été libérées. Le reliquat des troupes rebelles s’enfonce dans les forêts profondes s’éloignant de ce fait de la frontière rwandaise où elles étaient supposées créer l’insécurité chez notre voisin. Nos troupes sont à leur trousse et notre détermination à éradiquer cette force négative est telle que nous ne cesserons les opérations qu’une fois le résultat final atteint. Quoiqu’il en coute, en temps et en ressources, tant humaines, financières que matérielles.

Relativement à l’évolution de la présence des rebelles ougandais des ADF/NALU au Nord-Est de la RDC; je voudrais dire qu’ici la MONUSCO et les FARDC collaborent de manière satisfaisante depuis l’éparpillement et la transformation de ces rebelles en pures terroristes sans foi ni loi et sans autre stratégie que l’attaque par surprise des villages isolés dont il brûlent les cases et décapitent les habitants avant de fuir. Nous sommes actuellement au stade du ratissage.  Il est reconnu par chacun que les troupes congolaises se comportent d’une manière qui fait honneur à notre pays.

J’en arrive aux suites politiques de la fin de la rébellion du M23. Cette rébellion a pris fin dans le contexte de l’Accord Cadre d’Addis-Abeba et des conclusions des pourparlers de Nairobi. Conformément à l’Accord Cadre et aux conclusions de Nairobi, la RDC a entamé un processus de dialogue politique en organisant des Concertations nationales et a dans ce cadre, mis en œuvre une amnistie pour faits de guerre en faveur notamment des anciens rebelles du M23. En effet, sur les 1678 anciens rebelles en fuite qui se sont refugié en Ouganda et les 453 autres réfugiés au Rwanda, 777 ont à ce stade, profité de la loi d’amnistie et 182 d’entre eux sont déjà rentré volontairement au pays.

Ceux qui sont encore dans les deux pays voisins ne le sont pas, parce que la RDC ne veut pas les recevoir ou n’a pas accordé assez de facilités pour ce faire, mais plutôt parce que le rapatriement étant volontaire, la décision de retour appartient à ces ex-combattants M23 dont certains à ce stade, semblent vouloir rester sur place. Nous poursuivons les efforts pour les convaincre de choisir de rentrer dans leur pays et nous comptons sur la communauté internationale, singulièrement les envoyés spéciaux pour nous aider à y parvenir.

Monsieur le Président,

Afin que le tableau sur la situation de la RDC soit vraiment complet, je tiens à confirmer la détermination du Gouvernement de mon pays à s’ancrer plus que jamais dans la culture démocratique. C’est ainsi qu’après un débat ouvert et nourri la Commission Electorale Nationale indépendante a publié un calendrier global des prochaines élections. Il a par la même occasion, fixé le budget nécessaire pour l’organisation de l’ensemble du cycle électoral. Ceci témoigne de notre volonté d’organiser des élections transparentes, crédibles et apaisées.

Nous sommes convaincus que les amis de la RDC nous accompagneront dans cet exercice d’apprentissage et d’approfondissement de la démocratie dans un climat de paix en évitant des ingérences de nature à mettre de l’huile sur le feu. Le concours financier, à temps et non à la dernière minute y contribuera tout autant.

 Pour terminer, je voudrais dire que nous sommes prêts à engager un dialogue stratégique avec les Nations Unies sur tous les points évoqués ci-haut en vue d’un consensus, avant que le Conseil n’en décide. Je voudrais souligner à nouveau que le niveau de performance actuel des FARDC explique objectivement notre volonté de négocier à la baisse et de manière progressive le nombre des troupes de la MONUSCO.

Nous savons que l’idée de réduction de ces troupes est partagée par notre organisation et que la discussion ne porte que sur son ampleur et sa vitesse.
Nous sommes convaincus qu’en nous retrouvant comme nous avons convenu de le faire à partir de lundi prochain, nous arriverons certainement à nous mettre d’accord et pourrons faire des propositions consensuelles au Conseil.

 

Je voudrais terminer Monsieur le Président, en redisant que la RDC a toujours entretenu une coopération exemplaire avec les Nations Unies et qu’il va continuer à être ainsi et que nous comptons sur les Nations Unies pour faire sa part dans ce sens.

Monsieur le Président, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, je vous remercie de l’attention que vous avez bien voulu m’accorder.